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Rencontre avec le Dr Laurence Boutin, pédiatre engagée en Haïti

PÉDIATRE ENGAGÉE EN HAÏTI AVEC LA CHAÎNE DE L’ESPOIR, LE DR BOUTIN EST AUSSI UNE MÈRE DE QUATRE ENFANTS ATTENTIVE ET GÉNÉREUSE. RENCONTRE AVEC UNE FEMME AU CŒUR EN OR !

10 juillet 2018

Photo Laurence Boutin à Haiti

Crédit : La Chaîne de l’Espoir

On a rencontré Laurence Boutin dont la vie professionnelle et familiale nous inspire. Exerçant la pédiatrie dans son cabinet des Hauts de Seine, elle se rend en mission humanitaire en Haïti tous les deux mois avec l’Institut qu’elle a créé, désormais rattaché à l’ONG La Chaîne de l’Espoir. Elle est aussi mère de quatre enfants qui ont entre 16 et 23 ans. Interview d’une femme déterminée, généreuse et passionnée, qui a su mener de front vie professionnelle, engagement humanitaire et vie de famille ! 

Petite, quel métier rêviez-vous de faire ?

Petite je rêvais déjà de faire médecine. A huit ans j’ai dessiné ma clinique de pédiatrie sur un carton de boîte de bottes. J’ai encore le plan dans la tête. J’avais déjà prévu l’endroit où on prendrait les rendez-vous, la salle d’attente, tout… J’ai voulu faire pédiatrie très rapidement.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir pédiatre ?

Ma mère était visiteuse médicale, j’ai donc baigné dans le milieu médical, et je pense qu’elle a eu une influence sur moi puisqu’elle me gardait des livres pour plus tard « quand je serais médecin… » Et puis j’ai un frère malade, dont j’ai dû très rapidement m’occuper, tout comme de ma mère qui était fragile. Donc on pourrait dire, dans le langage psychologique, que j’ai été « parentalisée » très jeune.

Vous travaillez aussi pour l’ONG « La Chaîne de l’Espoir » pour laquelle vous partez régulièrement en mission en Haïti. Pouvez-vous nous dire de quand date votre engagement et ce qui le motive ?

Je suis d’origine haïtienne et j’y vais depuis que j’ai 12 ans. Une fois, quand j’étais en vacances là-bas et que je me baladais dans la brousse sur mon petit âne, j’ai croisé un dispensaire qui était complètement écrasé, et je me suis fait une promesse : je me suis dit que plus tard quand je reviendrai, quand je serai médecin, je viendrai m’occuper des enfants.

J’ai fondé après le séisme l’Institut Necker de Pédiatrie en Haïti, une antenne haïtienne de l’Institut Necker à Paris, et j’ai commencé à aller là-bas avec mon argent et à essayer de trainer dans tous les services de pédiatrie pour comprendre comment fonctionnait le système de santé, qui n’est pas du tout le même que le nôtre. Et, à force, avec les années, j’ai eu des demandes de formation en pédiatrie. J’ai sollicité deux professeurs de Necker qui sont venus en mission avec moi former des médecins. Ensuite sont apparus le désir et le besoin de former une équipe d’infirmières à la pédiatrie dans le cadre de la construction de l’hôpital général de Port-au-Prince. J’ai donc fondé une école d’infirmières spécialisées en pédiatrie. Ici on appellerait ça des puéricultrices, mais ça n’existe pas là-bas. J’ai formé 60 infirmières en quatre ans.

Ensuite un des professeurs avec lesquels je travaille, le professeur Yann Révillon de Necker, chirurgien pédiatrique, nous a proposé de nous rapprocher de La Chaîne de l’Espoir dont il est membre. Parce qu’on était tout petit, voire même moi toute seule, à tout faire, on s’est dit que ce serait pas mal au niveau de la comptabilité, des recherches de fonds, de s’associer à une grande ONG. Donc depuis un an je travaille officiellement comme consultante pour La Chaîne de l’Espoir, je suis responsable des programmes et des projets de santé en Haïti.

Avec l’Institut Necker de Pédiatrie en Haïti, on est parti de la base, des besoins, du terrain, et petit à petit on a eu des financements de l’Agence Française de Développement, on s’est rapproché des institutions, et là je reviens de mission et j’ai rencontré des membres de l’Unesco, de l’OMS, de l’Unicef, d’ATD Quart Monde, de la Croix-Rouge, et tous ces gens-là veulent maintenant travailler avec nous. Donc c’est bien ! Mais ça demande beaucoup de temps !

Dr Laurence Boutin, prix des amis de Haiti

Laurence Boutin, Pédiatre Française de la Chaîne de l’Espoir, a été décorée par l’Ambassadrice d’Haïti à Paris lors du quatrième « Prix de l’Ambassade »

Crédit : La Chaîne de l’Espoir

Et oui… car en plus de toutes ces activités vous êtes mère de quatre enfants ! Quels sont vos secrets pour un équilibre entre vie de famille et vie professionnelle épanouie ?

Franchement je ne crois pas que j’ai un secret particulier. Je peux juste dire que je suis une grosse travailleuse, que j’ai beaucoup donné à mes enfants quand ils étaient petits, beaucoup de temps, beaucoup d’attention. J’ai vraiment essayé de voir quelle était la particularité de chacun, je n’ai jamais comparé mes enfants les uns avec les autres. Je n’ai aucune préférence, ça parait évident mais je le dis quand même. Je ne sais pas, je n’ai pas de secret particulier. Alors évidemment j’ai eu une enfance difficile, ça m’a appris à me battre, mais j’ai des enfants super, je pense que j’ai de la chance !

Qu’est-ce qui est le plus difficile selon vous quand on est mère de famille nombreuse ?

Ce qui est le plus difficile c’est d’être sûre de donner de l’attention à chacun d’eux, suffisamment, et, au-delà de l’attention, de répondre à leurs besoins. Et parfois ils n’ont pas les mêmes besoins au même moment. Donc vous pouvez de temps en temps faire un « focus » sur un enfant parce qu’il en a plus besoin, mais il faut toujours garder les autres en mémoire, et c’est ça qui est un peu le stress, je trouve, pour une mère de famille nombreuse. Et puis, surtout, ce qui était important pour moi c’était de leur donner confiance en eux, donc je les ai beaucoup encouragés, félicités, jamais engueulés quand ils avaient une mauvaise note, jamais, c’était à chaque fois « bon tu as une mauvaise note, c’était quoi tes erreurs ? ».

Mais je n’ai pas de secret particulier. Je pense juste que je suis de personnalité empathique. D’ailleurs, un jour, le prêtre qui a baptisé tous mes enfants m’a dit qu’il y avait une forme de sacrifice quand on a quatre enfants. Et mes enfants aussi m’ont dit une fois que je me sacrifiais pour eux. Franchement je ne crois pas. Je ne suis certainement pas très égoïste, mais je les ai vraiment voulus, j’ai toujours rêvé d’une famille nombreuse, je l’ai fait, donc j’ai essayé de faire en sorte que ce soit une réussite et qu’ils aient le sentiment qu’on s’occupait d’eux, qu’on répondait à leurs attentes, même s’il y a des périodes difficiles et qu’on fait toujours plein d’erreurs.

Il faut surtout aussi, je trouve, ne pas attendre un retour de ses enfants. Vous faites les choses pour eux parce que vous avez un rôle de développeur de talents, de compétences, d’épanouissement. On me dit souvent « pourquoi tu envoies tous tes enfants à l’étranger au lieu de les garder près de toi ? ». Bien sûr je les adore, bien sûr c’est dur d’en avoir deux à l’étranger et bientôt trois, mais c’est pour eux. Je les ai élevés pour eux, pas pour moi, pour qu’ils soient heureux, qu’ils soient épanouis.

Quelles sont vos sources d’inspiration ? Quelles femmes vous inspirent ?

Mère Teresa. Je vous assure. En plus je l’ai rencontrée à Marseille quand j’étais au collège. Elle venait faire une célébration très tôt le matin. Personne de ma classe n’y allait. Je n’osais pas dire que j’allais y aller. Et en fait j’y suis allée, et comme j’étais en retard j’ai marché sur le côté, je me suis assise devant, quitte à être en retard, autant être placée aux premières loges. J’étais assez culottée. De temps en temps j’ai une espèce de force, alors que pourtant je peux être timide et pas forcément assurée tout le temps, mais il y a des moments où je fonce, comme si c’était une évidence. Et j’ai foncé, j’ai vu Mère Teresa, je lui ai serré la main, on s’est dit quelques mots. C’est un peu cliché Mère Teresa, parce que souvent on m’appelait l’assistante sociale en classe ou Mère Teresa, mais j’ai lu toute sa biographie et c’est une femme inspirante pour moi. Il y en a plein d’autres certainement…

Il y a une autre femme que j’aime beaucoup c’est Alexandra David-Neel. J’ai lu tous ses livres. Elle faisait seule l’ascension du Népal, et ça fait partie aussi des histoires qui m’inspirent. Le fait de se dépasser, d’être passionnée par quelque chose, d’aller au bout. Je me suis complètement identifiée, je me voyais mangeant du lait de brebis caillé avec des morceaux de pain rassis, dormir près d’un arbre dans une tente toute seule…

Et cela fait partie de vos projets de vivre ce type d’aventures ?

Je ne suis pas du tout peureuse. Parfois en Haïti il y a des dangers, je m’en moque. Mais j’ai quatre enfants, je ne fais pas n’importe quoi non plus quand je vais en mission. La semaine dernière j’étais dans un endroit et il y a un responsable qui m’a dit « faites attention, il y a eu cinq meurtres la veille dans cette zone-là », et je n’ai pas eu peur… Quand on est passionné, qu’on a du culot pour certaines choses, on peut s’imaginer inconsciemment qu’on est dans la toute-puissance, mais il faut quand même être raisonnable et raisonné dans ses passions, ce que j’essaie d’être puisque je suis toujours vivante en rentrant de mission.

Quels sont vos rêves pour demain, vos projets ?

Arriver à tenir, arriver à tenir mes missions en Haïti, parce que j’arrive à un stade où c’est trop. C’est très engageant, en termes de rapports, de liens avec la population… Et quand je reviens dans mon cabinet je suis prise dans ma vie ici avec mes patients. Mon objectif c’est d’arriver à pouvoir continuer à faire mes missions et mes projets en Haïti sans négliger le cabinet et certainement pas mes enfants. Et c’est là où depuis six ans c’est compliqué… Par exemple je ne prends pratiquement pas de vacances, seulement une fois par an avec mes enfants. Après évidemment je vais vous sortir les choses toutes faites, que je pense avoir avec mes enfants du temps de qualité, mais il me semble tout de même que j’en manque un peu, par fatigue. Après ils sont plus grands, ils n’ont pas les mêmes besoins, et j’ai de très bonnes relations avec eux. Mais voilà ce qui me manque c’est du temps pour eux.

Et surtout il y a une chose qui est importante pour moi : c’est de continuer à faire les choses, oui, mais à les faire bien. Si je ne les fais pas bien, s’il y en a trop, que je m’éparpille et que je vois que je n’arrive pas à faire les choses correctement, et je ne suis pas très loin de ça en ce moment, j’ai un signal d’alarme et je me dis : « est-ce que ça vaut le coup, est-ce qu’il ne faut pas réorganiser les choses, est-ce qu’il ne faut pas lever le pied un peu sur certaines choses ? ». Je suis un peu dans une période comme ça en ce moment. Il faut savoir se remettre en question régulièrement.

Plan de Port au Prince via Deposit Photos

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