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Emma Becker lève le mystère d’une maison close

Grand livre sur la puissance des femmes et la solitude des hommes, "La Maison" donne à voir le regard d’une femme plongée dans l’intimité d’un bordel et emporte bien au-delà.

3 octobre 2019

Emma Becker

Photo d’Emma Becker – Crédit : Alice Durand

Après avoir écrit et publié deux premiers romans faisant déjà entendre une voix libre et transgressive, Emma Becker a décidé de partir vivre à Berlin avec un projet en tête. Celui de travailler dans une maison close, dans un pays où la prostitution est légale, pour y écrire un livre. Un livre sur les femmes qui travaillent dans ces maisons, un livre sur les hommes qui s’y rendent, un livre sur elle aussi, sur ce qu’elle y ressent, ce qu’elle y vit. Un livre sur ces lieux qui n’existent pas en France, un livre sur les prostituées, sur les clients, mais aussi un livre sur les femmes et les hommes, tout simplement. Des femmes et des hommes mis à nu, peut-être, de tout ce dont on se débarrasse quand on passe la porte de ces maisons.
Le long texte qui ressort de de cette immersion est sublime. Il est littérature, sans aucun doute, et l’accueil qui lui est fait en cette rentrée littéraire ne fait que le confirmer (Prix Blù Jean-Marc Roberts 2019). Si Emma reconnaît une part d’inconscience et les quelques hésitations qui ont pu être les siennes avant la publication, elle refuse que l’on parle de courage pour qualifier une expérience qui lui a beaucoup apporté. Elle regarde aussi vers d’autres projets, d’autres textes, en fumant sur sa cigarette, à la terrasse d’un café parisien, avec ses longs cheveux bruns, ses grands yeux bleus, sa voix cassée et cette espèce d’évidence qui fait qu’elle semble vivre sa vie pour l’écrire tout en écrivant pour vivre.

Emma, La Maison est ton troisième roman. Est-ce que devenir écrivain était ton rêve d’enfant, ta définition de la liberté ?

Oui, j’ai toujours voulu être écrivain. La façon dont se passe la promotion de La Maison est un rêve pour moi. Je considère que je fais aujourd’hui ce que j’ai toujours eu envie de faire même si ce n’est pas comme ça que je gagne ma vie. Quand j’ai écrit La Maison, je gagnais ma vie en même temps que j’écrivais mon livre, ce qui était un bon compromis. J’aimerais bien vivre de l’écriture un jour mais pour l’instant je fais des petits boulots à côté et ça me va très bien parce que ça m’occupe. Quand tu n’as que ça à faire d’écrire, tu n’écris pas. Enfin pas moi. Moi je suis le genre à qui tu donnes un devoir à rendre dans six mois et qui s’y prend trois jours avant.

A plusieurs reprises dans La Maison, tu te défends de faire l’apologie de la prostitution. Il y a effectivement la noire réalité du Manège où tu as travaillé avant de rejoindre la Maison, le fait que tu soulignes à de nombreuses reprises à quel point la Maison était un lieu unique où régnait une plus grande liberté que dans la majorité des maisons closes de Berlin, et le fait que même dans cette Maison il pouvait y avoir de la violence. Tu n’édulcores donc pas même si tu expliques que tu ne voulais pas écrire un énième livre sur l’enfer de la prostitution. Pourquoi voulais-tu donner à voir du beau de ce métier ?

J’ai beaucoup lu très jeune des livres de Maupassant qui parlent de prostituées dans des environnements où tu as l’impression qu’elles se soutiennent beaucoup entre elles. Et je suis partie pour cette expérience en me disant que, dans un pays où la prostitution était légale, il y aurait forcément un bordel qui me rappellerait les bordels de Maupassant. Je ne suis donc pas partie en étant complètement objective. Mais je ne m’attendais pas du tout à trouver un endroit comme la Maison qui était exceptionnel. J’ai tout de même tendance à dire que mon livre n’est pas une apologie de la prostitution parce que je n’ai pas envie qu’on m’accuse d’en dresser un portrait idéal, parce que je n’ai pas envie que certaines TDS se disent que ça n’a rien à voir avec ce qu’elles vivent, parce que je n’ai pas écrit un livre universel sur la prostitution. Ça n’existe pas le livre universel sur la prostitution. C’est une succession d’expériences qui créent un tout. Une expérience prise à part ne peut pas décrire à elle seule ce métier. J’ai eu de la chance, je suis tombée sur le bon endroit et je sais qu’il y a plein d’endroits qui ne sont pas bons pour les filles. Mais quand tu rencontres un endroit comme ça tu as tendance à te dire que c’est possible que ça se passe bien. Et, malgré moi, je deviens un peu militante quand je vois les questions à la con qu’on me pose parfois ou à quel point finalement il faudrait que je m’excuse d’avoir été heureuse dans ce métier. Pourtant je ne suis peut-être pas la seule à l’avoir bien vécu. Même hors de la Maison, il y a des filles qui sont heureuses de le faire. Le tout c’est de donner aux filles la possibilité de travailler dans des conditions dignes. On parle souvent des putes en disant qu’elles ne peuvent pas arrêter quand elles veulent, que leur métier est un piège, mais je crois que ça n’est pas plus un piège que pour celui ou celle qui travaille dans un resto. Avec n’importe quel boulot, tu n’arrêtes pas quand tu veux. Tu as aussi des factures à payer. Quand on parle de prostitution, on a l’impression qu’il faudrait toujours qu’il y ait autre chose que l’argent. Beaucoup ne semblent pas supporter d’entendre que les putes font ça pour manger. Et pourtant c’est la vérité, comme n’importe qui d’autre.

(Éditions Flammarion)

Emma Becker

Tu évoquais Maupassant, tu le cites d’ailleurs souvent dans le livre, comme Zola, et c’est vrai qu’on retrouve dans La Maison une étude de mœurs qui rappelle les romans naturalistes. On retient la beauté de ces prostituées, dont la force est révélée par des portraits absolument magnifiques, et la solitude de leurs clients. Toi qu’en retires-tu ?

C’était ces femmes qui me fascinaient, que je trouvais magnifiques, puissantes, et ça m’a réconciliée avec les femmes qui avaient tendance à me terrifier, que j’admirais beaucoup mais qui me terrifiaient. Les hommes je les ai toujours aimés, donc ce n’était pas grave d’en dresser un portrait peu élogieux le temps de ce livre parce que qui aime bien châtie bien. Et puis les hommes je les aime avec une espèce de sarcasme amusé, qui n’est pas très loin de celui de la mère qui regarde ses gamins faire des conneries tout en sachant bien qu’à un moment il va falloir serrer la vis, mais que ça n’est pas grave parce qu’on s’aime quand même. Concernant les femmes, il y avait une volonté plus panégyrique parce que, généralement, quand on parle de ces femmes-là, on en fait toujours des pauvres filles, des victimes ou alors des nymphomanes, comme si c’était ça qu’on cherchait en allant travailler dans un bordel. Ou alors on s’imagine que les putes viennent travailler pour être sauvées par un homme qui va les tirer de là sur son cheval blanc. C’est très difficile d’imaginer que les putes sont des travailleuses normales.

« Ce que je retire aussi de cette expérience c’est que les femmes sont définitivement beaucoup plus fortes que les hommes. »

Ce que je retire aussi de cette expérience c’est que les femmes sont définitivement beaucoup plus fortes que les hommes, même si ça je le savais avant, et aussi que les clients ne sont pas des hommes à part. Ils ne sont pas plus seuls ou plus malheureux que les autres, c’est juste que dans un pays où la prostitution est légale on leur donne l’occasion d’être des clients. Et il y a des tas de Français autour de nous qui, dans un cadre légal, le feraient peut-être aussi, sans être forcément moches, vieux ou déviants, en étant juste poussés par la curiosité de le faire ou pour combler un vide les soirs où ils se sentent seuls. Et moi, en tant que femme, je me dis que j’aimerais que des endroits comme ça existent aussi pour nous. C’est vrai que quand tu es jeune tu n’as qu’à claquer des doigts, mais peut-être que parfois tu n’as pas envie de claquer des doigts, peut-être que tu aurais juste envie d’un endroit où les hommes sont là pour ça. Parce que quand tu es une fille et que tu vas sur Tinder en disant à un homme que tu as juste envie de le retrouver quelque part et de baiser, sans fioritures, sans avoir besoin de raconter ce que tu fais dans la vie ou quelle musique tu aimes, l’homme se sent menacé. Un bordel pour filles est donc une pensée à laquelle je reviens souvent. Ce serait peut-être intéressant comme endroit. En tous cas c’est aussi une autre manière de voir le bordel.

A la toute fin du roman, tu t’imagines être un homme qui vient au bordel, un homme qui a « une conscience brusque, passagère et pourtant inoubliable, de la misère des femmes, de leur sexualité tellement complexe qu’elles-mêmes, souvent, n’y entendaient rien ». Comme souvent dans le roman, tu dépasses avec ce constat la sexualité de la Maison pour parler de celle des hommes et des femmes en général. Aujourd’hui la parole s’est libérée sur le plaisir féminin et, globalement, dans nos sociétés, une femme peut coucher avec qui elle veut et avoir les pratiques qu’elle veut. Crois-tu que le fait de vivre dans une société plus libérée nous rend notre sexualité plus intelligible ?

Oui, c’est sûr, on est plus libres, mais on est toujours soumises à des injonctions. Il y a 50 ans il ne fallait pas trop jouir parce que sinon tu passais pour une salope et aujourd’hui il y a au contraire une sorte de tyrannie de l’orgasme qui fait qu’on se sent obligées de jouir. Et quand tu ne jouis pas avec ton mec, tu te demandes toujours ce qui s’est passé, alors que je pense qu’il faut qu’on accepte qu’en tant que femme on n’a peut-être pas toujours besoin de jouir comme un homme. On est aussi tout à fait capables de se satisfaire d’un rapport sans orgasme. C’est toujours mieux qu’il y en ait un, mais moi, à plein de moments de ma vie, je me suis aussi nourrie du plaisir de l’homme et du plaisir cérébral que j’avais eu.
On est donc plus libres, mais on se retrouve toujours prises dans des injonctions complètement contradictoires. Et puis les femmes connaissent certainement mieux leurs corps qu’avant mais par contre je suis épatée de voir à quel point les hommes consomment du porno tout en étant encore très nombreux à ne pas savoir placer le clitoris. Je crois que le vrai progrès se fera plutôt au sein du couple, par la communication entre les femmes et les hommes qui est un vrai challenge aujourd’hui.

Nous sommes en 2019 mais en lisant ton toman on comprend que tu as travaillé à Berlin il y a plusieurs années déjà, en 2014 – 2015. Pourquoi ce temps avant la publication de La Maison ? Le temps de l’écriture ou celui d’une mise à distance nécessaire avec ce qui avait été vécu ?

Quand j’ai trouvé le sujet, je me suis dit que ce livre allait s’écrire vite et tout seul, parce que j’allais vivre cette expérience et l’écrire en même temps. Mais en fait je n’ai pas continué dans la première maison où j’avais commencé à travailler, puis je suis tombée enceinte en 2015, j’ai arrêté de travailler, et enfin j’ai retravaillé un peu début 2017 avant que la Maison ne ferme. Il s’est donc passé tout ce temps-là et il y a aussi eu des moments au cours desquels je n’écrivais pas parce que mon sujet m’effrayait d’une certaine façon. J’avais peur de la façon dont il serait reçu, j’avais peur de l’avis de mes parents, de mes grands-parents. Je n’étais pas si libérée que ça. Ma mère était au courant de ce que je faisais, mais je n’ai pas voulu le dire à mon père parce que je me suis dit qu’il ne lirait pas le bouquin si je lui expliquais avant ce que c’était. Je m’autocensurais moi-même parce que je ne savais pas du tout comment ce texte allait être reçu. J’ai eu besoin de l’avis de mon agent, à qui j’ai envoyé des pages et qui m’a dit que c’était très beau, pour prendre confiance en moi parce que pendant trois quatre ans j’étais quand même toute seule avec mon livre. L’avis de quelqu’un d’extérieur était important pour que je termine mon texte car il n’a pas vraiment de temporalité. Il fallait qu’à un moment ou un autre je m’arrête.

Tu dis que ton sujet a pu t’effrayer. J’ai lu que Frédéric Beigbeder, qui a beaucoup aimé ton roman, qualifiait toutefois ton entreprise de « dangereuse », rappelant le souvenir de Nelly Arcan et de son suicide quelques années après la publication de Putain. En tant que lectrice, j’ai été très touchée par ton texte et j’admire le projet littéraire, mais si tu étais ma sœur ou mon amie je serais sûrement inquiète pour toi. N’as-tu pas hésité à publier ce texte ?

On avait peur au moment de la sortie du livre parce qu’on se disait qu’on était dans un tel retour en arrière, une telle recrudescence de bien-pensance, qu’il serait peut-être mal reçu. Mais la réception est très bienveillante et je trouve qu’on me traite en écrivain. Je pense que Beigbeder, comme pas mal d’hommes et de femmes, de gens qui n’ont jamais fait ce boulot, s’imagine qu’on va se souvenir de moi comme de la nana qui a écrit un livre sur le bordel. Mais si on se souvient que le livre était beau c’est tout ce qui m’importe, parce que ce livre n’est pas salace, parce que finalement je n’y parle pas énormément de cul. On me dit parfois que j’ai fait preuve de courage mais je ne l’ai pas du tout vécu comme ça. Le boulot m’intéressait, c’était une joie énorme que de retrouver mes collègues. Donc courage non, peut-être une forme d’inconscience, mais aujourd’hui la réception est tellement flatteuse que je n’ai pas de raison d’avoir peur.
Je n’ai pas peur des potentielles discussions que je pourrais avoir avec d’autres putes par exemple. Je rêve qu’on fasse un débat, qu’on confronte des points de vue, parce que mon expérience n’est pas représentative de toutes les expériences, la leur non plus. Toutes nos expériences sont valides. Je trouve que c’est un sujet qui vit dans la discussion, dans la confrontation. Je me demande ce que les putes en penseront parce qu’il y a souvent chez elles une volonté, peut-être pas forcément très consciente, de se trouver un porte-parole. Elles vivent sous un tel stigmate en France que, dès qu’il y a un livre qui sort là-dessus et qui est en plus écrit par une pute ou par une ancienne pute, elles ont envie de se ranger derrière, envie qu’on parle de leurs vies à elles, qu’on exprime aussi ce qu’elles vivent. Mais moi je parle d’un cadre légal, d’un autre pays. Et c’est ça aussi qui est intéressant parce que j’aimerais bien qu’on en parle. Je ne pense pas que je vais changer la donne, que je vais faire en sorte que la prostitution soit légalisée ou décriminalisée, mais j’aimerais bien que mon livre soit utile, qu’il remette certaines choses en perspective et donne aux Français envie d’en débattre. Mais si c’est juste un beau livre qui fait plaisir aux putes, parce que pour une fois ça donne d’elles une image qui est belle, ça me suffit aussi.

Quels sont tes projets ? Es-tu en train d’écrire ton prochain roman ?

Non, pas encore, mais je sens que ça monte. Je sens que ça monte parce que je n’ai pas du tout le temps d’écrire et que, quand je n’ai pas le temps d’écrire, j’ai forcément plein d’idées. Je ne me suis pas encore posée devant mon cahier avec mon café et mes clopes. Je sais que ça ne va pas être aussi facile que dans ma tête mais j’ai plein d’idées. Et notamment d’écrire sur la maternité et sur ce que ça a pu représenter de tomber enceinte quand je travaillais. Ce qui m’intéresse aussi beaucoup c’est le phénomène des relations libres. Je trouve qu’il y en a de plus en plus. Moi j’en ai une avec mon copain et je vois qu’autour de nous à Berlin il y a plein de jeunes parents, mais aussi des gens en couple, très jeunes, d’une vingtaine d’années, qui décident de se mettre dans des couples libres. C’est du travail de toute façon, comme une relation monogame, mais c’est un phénomène que je trouve assez fascinant parce que chacun s’invente sa propre histoire. Et j’aimerais réfléchir aux origines du polyamour. De quoi est-il né ? Comment vis-tu une relation libre quand tu as notre âge ? Généralement on voit plus de couples libres chez les couples qui ont une cinquantaine d’années parce que c’est peut-être plus facile de relativiser quand tu es plus âgé. Alors je trouve intéressant le fait que des jeunes se lancent là-dedans, dans une espèce de ras-le-bol des trucs monogames qui finalement marchent avec le succès que l’on sait. Je vais donc voir si je ne peux pas essayer de mêler ces deux sujets d’une manière ou d’une autre. Je suis assez enthousiaste à l’avance. J’ai hâte !

Qui sont les personnalités qui t’inspirent, tes figures tutélaires ?

L’héroïne de Hedwig and the Angry Inch de John Cameron Mitchell. Ce film raconte l’histoire d’un jeune homme qui habite à Berlin Est avant la chute du mur. Il veut partir, il en a marre, mais à cette époque-là tu ne peux pas quitter facilement l’Allemagne de l’Est. Il finit par se marier avec un GI américain qui lui dit que la seule solution pour partir c’est ce mariage mais que pour cela il faudra qu’il soit examiné pour qu’on voie que c’est une femme. Il se fait donc opérer pour devenir une femme mais ça ne marche pas du tout. Il se retrouve aux États-Unis, il se fait plaquer par son GI et il monte un groupe de rock un peu obscur. Et c’est tellement beau, il y a une telle interrogation sur ce que c’est qu’être un homme, sur ce que c’est qu’être une femme. Il y a une très belle exploitation du mythe de Platon, du mythe de l’amour, de la naissance de l’amour, de ce que c’est que le genre, de ce que c’est que de se sentir perdu comme ça, que ce soit entre Berlin Est et Berlin Ouest, ou entre le fait d’être un homme ou une femme. Hedwig est un des plus beaux films que j’ai vus et un des personnages qui m’a le plus touchée. Le fait de se sentir perdu comme ça me bouleverse, même si je ne suis pas dans un questionnement de genre, parce que je me suis toujours sentie très femme.
Il y a aussi Louis Calaferte. Je pense que ce qu’il a écrit dans Septentrion va bien au-delà de l’homme et de la femme. Tous ces moments où il parle de la dèche horrible dans laquelle il est, cette honnêteté avec laquelle il parle du fait de crever de faim ou juste du fait d’être à l’étroit à compter son argent tout le temps, ça me rappelle beaucoup mes années à Paris où, sans crever de faim, je me suis sentie à l’étroit comme n’importe quelle étudiante. Et je crois que cette honnêteté, cette impudeur, c’est une chose vers laquelle je tends mais sans y arriver parce que c’est beaucoup plus facile pour un homme d’être impudique que pour une femme. Parler d’argent est encore un domaine qui appartient beaucoup aux hommes.
J’aime aussi beaucoup les films de Blier. J’aime beaucoup la manière dont il parle des femmes parce que tu vois bien qu’il est complètement pommé. Tu vois bien que tous ses personnages d’hommes, dans Les Valseuses, dans Tenue de soirée, sont complètement à la masse. Ils sont entourés par des femmes qui baisent mais qui ne savent pas jouir, qui ne connaissent pas leurs corps, qui baisent parce que c’est ce qu’on fait, ce que les hommes attendent. Et Blier n’essaie à aucun moment de donner des leçons sur les femmes. Les hommes sont toujours en train de se demander ce qui se passe dans la tête des femmes et je trouve qu’il y a une honnêteté là-dedans, quelque chose de très tendre qui revient à dire : « on ne les comprend pas du tout, on voudrait bien les aider, mais en tous cas on les aime ». Et l’amour de Blier pour les femmes, qui est un amour maladroit, mal dégrossi, mais aussi très ludique, m’apparaît comme quelque chose de jubilatoire.

Emma Becker

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