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Marion Derouvroy & Bérengère Wolff de la Maison Trafalgar

Les fondatrices de la Maison Trafalgar réinventent le portrait écrit en transformant chaque rencontre en un texte naturel saisissant la singularité de chacun

14 juin 2019

Trafalgar

Crédit : Marie Hauvy

Marion et Bérengère ont 26 et 30 ans. Elles ont créé en 2015 la première Maison de portraits écrits, faisant le choix de se positionner à contre-courant de l’uberisation du marché de l’écriture pour se consacrer à ce savoir-faire d’exception. Dans cette entreprise singulière, écriture rime avec haute couture. Il n’est pas question de « contenu » mais de « signature », il n’est pas question de « rédacteur » mais de « portraitiste », il n’est pas question de « référencement » mais de « référence ». La vacuité, les fioritures et la vanité sont remplacées par la profondeur, l’élégance et l’audace. La quête de l’authenticité et du naturel se fait dans le souci de l’excellence avec la volonté de susciter de l’émotion et de créer une expérience unique. Les deux jeunes femmes ont également fait le choix de l’internalisation avec leurs portraitistes, souhaitant sécuriser l’emploi des talents littéraires et se faisant le porte-parole de la nécessité des lettres.

« Pour sortir de la culture de l’implicite et contrer l’industrialisation du récit de vie, la Maison Trafalgar redonne ses lettres de noblesse aux Hommes, aux histoires et aux émotions. Avec sa qualité d’écoute, son sens de la formule, ses Portraits sensibles et finement travaillés, elle est un espace privilégié dans lequel parler de soi est enfin autorisé. »

Nous avons eu un coup de cœur pour la Maison Trafalgar et avons eu envie de rencontrer Marion et Bérengère. Elles nous ont parlé de leur histoire, de leurs rêves et de leurs ambitions. Une manière de comprendre leur amour des mots, le caractère audacieux de leur projet et l’humanité de leur vocation.

Bérengère, Marion, pouvez-vous nous parler brièvement de vos parcours et de cette passion pour les mots qui vous a menées à la création de la première Maison de portraits écrits ?

Marion : Après un baccalauréat littéraire en Haute-Savoie, j’ai eu la chance d’être publiée à 17 ans par une maison d’édition parisienne du nom de L’Art de Lettres. J’avais écrit un poème qui s’appelait « L’être en lettres », puis un éditorial sur la Beauté Humaine parce que le premier avait beaucoup plu dans l’anthologie. Cette expérience m’avait donné l’espoir de faire de l’écriture mon métier, même si une part de moi savait que c’était difficile et plutôt illusoire. Je suis allée en classe préparatoire littéraire hypokhâgne, j’ai été admise en khâgne mais je n’y suis pas allée parce que je ne supportais pas l’ambiance de cette épuisante compétition. Après une licence de lettres modernes, je me suis inscrite en double master Lettres Culture Entreprise à l’iaelyon pour avoir une ligne réaliste qui me donne l’air un peu commerciale, un peu dans le temps. Mais je me suis vraiment sentie entre deux. Je n’avais plus le temps d’être une vraie littéraire, mais je n’étais pas non plus préparée à un métier en particulier. J’ai alors décidé de créer un webzine, que j’ai appelé Trafalgar Magazine. Le nom est emprunté à une des plus grandes défaites françaises parce que j’avais un désir de revanche, que je voulais réussir dans les lettres. J’ai fait le pari de publier chaque dimanche le portrait d’un jeune audacieux lyonnais de moins de 30 ans de manière complètement bénévole. Il s’agissait d’entrepreneurs, d’artistes, de sportifs, peu importe tant qu’il y avait de l’audace. Et j’ai tout de suite assumé le portrait au format long et littéraire. Voilà, pour moi, l’histoire commence ainsi.

Bérengère : J’ai commencé par un DUT information communication à Lyon, puis j’ai fini mes études à l’EFAP communication à Paris où j’ai fait un cursus accéléré en deux ans pendant lesquels je travaillais aussi en entreprise. Je n’ai jamais été attirée par le travail en agence, je préférais être chez l’annonceur car j’avais besoin que quelque chose me porte. J’ai travaillé chez Marie-Claire et ensuite chez Warner Bross, au service communication relations presse, où je m’occupais des campagnes autour des sorties ciné. C’était passionnant mais, quand on m’a proposé un CDI, j’ai ressenti une sorte d’étouffement et je me suis dirigée vers une plus petite structure. J’ai intégré l’équipe de Paulette Magazine quand le magazine avait un an, en tant que chargée de communication. On réfléchissait à un modèle économique indépendant de la publicité et c’était vraiment passionnant. J’ai appris à faire beaucoup avec peu de moyens et c’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’avais envie d’entreprendre. Je suis alors revenue à Lyon où j’ai créé une première société avec ma grande sœur, Les Débarrasoeurs, consacrée aux vêtements de seconde main. Le concept a très bien fonctionné et nous avons ouvert une boutique, mais finalement, au quotidien, après avoir dépassé la phase de création d’entreprise, de communication et de relations presse, j’étais devenue vendeuse dans une boutique, et ça ne me correspondait pas vraiment. C’est à ce moment-là que je suis tombée par hasard sur Trafalgar Magazine et sur les écrits de Marion. Je lui ai envoyé un mail, on a bu un café et on ne s’est plus quittées.

Trafalgar

Crédit : Trafalgar Maison de Portraits

Comment êtes-vous passées de l’aventure associative à l’aventure entrepreneuriale ?

Marion : Nous avons structuré le magazine car nous étions une quinzaine derrière le projet, des personnes qui, comme Bérengère, avaient rejoint l’aventure pour se charger de la communication, du graphisme, de la photo, de l’organisation d’événements… Chacun avait son travail ou ses études à côté. On organisait des événements à Lyon qui réunissaient 200 à 300 personnes. On a très vite été invitées avec Bérengère à remettre des prix, comme le prix de l’audace à la Chambre du commerce de Lyon. On ne s’attendait pas à autant de lecteurs et de soutien. On s’est même fait approcher par une maison d’édition parisienne qui nous a dit que l’audace était formidable, universelle. Ils voulaient publier nos portraits dans un beau livre mais en rognant nos photos en ronds de tête, en retouchant les textes… On a donc refusé de partir avec eux et on a fait le choix d’autoéditer les portraits publiés sur le site pour en faire un beau livre.

Bérengère : Cela a accru notre visibilité. Et il y a eu vrai coup de théâtre : Marion a commencé à recevoir des demandes de devis sur sa boîte mail personnelle.

Marion : Il y avait le groupe Orange, des maisons de luxe, des start-ups françaises et luxembourgeoises… C’était dingue ! On pensait que ces prospects voulaient payer pour être sur notre magazine en ligne, bénéficier de la visibilité du média, alors qu’en fait ce qu’ils voulaient c’était se procurer, commander le style Trafalgar. J’ai réalisé qu’il se passait quelque chose et j’ai tout de suite su que je ne voulais pas y aller seule. J’avais envie de créer un concept inédit qui permette la valorisation des filières littéraires, car tous les vrais littéraires que je connaissais finissaient broyés en agence ou dans le journalisme. Avoir travaillé avec Bérengère plusieurs années de manière bénévole et simplement pour la beauté du geste était le meilleur pacte d’associées, parce qu’il n’y avait pas d’argent en jeu, seulement du temps et de la motivation. Nous avons donc décidé d’offrir le média Trafalgar Magazine, qui s’appelle maintenant Caracole Magazine, à Emma Coutier, talentueuse étudiante en lettres, et de créer la SAS Trafalgar Maison de Portraits en 2015. Notre inspiration première était de créer le Harcourt du portrait écrit. Bérengère a tout quitté et s’est installée dans nos premiers bureaux. Moi j’avais commencé un Master spécialisé dans l’entrepreneuriat parce que j’avais encore un peu peur d’y aller. Il faut dire que je n’avais connu que l’expérience de mes études ; mais j’ai quitté ce Master au bout de trois mois car on a pu se salarier dès le deuxième mois de création, ce qui est très rare.

Bérengère : Avec Marion, on a tout de suite partagé la même vision, celle d’une belle Maison d’écriture avec des talents internalisés, à l’opposé de ce qu’on peut voir aujourd’hui sur le marché de l’écriture.

Marion : On s’est fait cette promesse dès la création : ne pas céder aux sirènes du free-lance, même si c’est difficile, même si ça nous coûte plus cher. Nos deux premiers portraitistes, Maxime et Benjamin, sont engagés en CDI. Ils sont chez eux, travaillent uniquement pour notre Maison, et participent chaque jour à développer sa signature.

L’équipe Trafalgar

Trafalgar

Crédit : Pauline Pineau

En quoi l’offre proposée par la Maison Trafalgar est-elle différente ? Quelle est cette fameuse signature ? Comment parvenez-vous à transformer chaque rencontre en une « pièce unique », un « portrait cousu main », un texte naturel saisissant la singularité de chacun ?

Bérengère : Il a fallu créer un savoir-faire et un processus propres à la Maison Trafalgar. Au début, Marion était la seule à écrire, puis il a fallu transmettre cette passion, ce style, ce positionnement atypique et cette manière de mener les entretiens. Nous n’avons pas cherché à unifier les talents et à gommer les styles de Maxime et de Benjamin ; ils sont justement choisis en fonction de leur style et de leur personnalité. Le processus que nous avons créé s’est lui aussi mis en place de manière naturelle car il n’y avait pas de modèle à suivre. Nous avons grandi avec nos clients et ce sont eux les premiers à avoir parlé d’une véritable expérience Trafalgar.

Marion : Le fait que nous sortions d’un webzine pour lequel nous écrivions de manière bénévole est un élément important car, quand on a l’habitude d’écrire gratuitement et que l’on se met à écrire pour des clients, on se retrouve face à la problématique de n’importe quel passionné qui souhaite vivre de son art : quelle part de naturel reste-t-il lorsqu’il s’agit d’une commande ? C’était notre grande crainte, on ne voulait pas produire de beaux portraits qui ont l’air tout à fait naturels mais sont en fait très galvaudés, très magazine people. Pour échapper à cela, on a gardé le nom Trafalgar qui avait fait notre notoriété parce qu’il avait ce côté un peu combattant, qu’il symbolisait cet engagement présent dans notre Manifeste. Et notre slogan, « Vous avez l’aplomb, nous avons la plume », signifiait que l’on était dans un processus complètement inversé car ce n’est pas le client qui vient nous chercher pour nous dire ce qu’il veut qu’on dise de lui. Il nous arrive d’ailleurs de refuser des clients. C’est ce parti-pris qui rend l’expérience naturelle et singulière. On considère aussi qu’un beau portrait n’a pas pour finalité d’en mettre plein la vue et, pour rester authentique, nous partons quotidiennement à la chasse aux mots coquilles. Par exemple, on ne dira jamais qu’une personne est motivée, impliquée, que des associés sont complémentaires… On se refuse à utiliser ces mots qui font que les biographies de telle et telle personne sont interchangeables.

Bérengère : Et on a aussi recréé du temps, parce qu’à partir du moment où un client décide de commander un portrait chez nous il se laisse complètement guider. C’est l’inverse de ce qu’on voit aujourd’hui sur le marché de l’écriture où les délais de restitution sont très courts. C’est nous qui cadrons, en suivant un processus millimétré. On a d’abord un entretien préliminaire, puis on prépare un entretien d’extraction sur-mesure pour le client, un tête-à-tête avec le portraitiste dans une ambiance très intimiste. Le client participe ensuite à un shooting photo personnalisé en studio ou à l’extérieur en argentique. Et, plus d’un mois après, il découvre son portrait. Nous assumons un style littéraire, nous sommes vraiment sur la création d’un récit, pas sur quelque chose de chronologique. Notre objectif est d’embarquer le lecteur dès les premières lignes, de faire l’expérience de l’écriture mais aussi de la lecture.

Comment se déroule un entretien d’extraction ? Comment organisez-vous ce moment très important dans l’expérience Trafalgar ?

Bérengère : Les entretiens ont lieu à Lyon, dans notre Maison de Portraits et nos clients se déplacent pour vivre cette expérience en dehors de leur zone de confort. C’est vraiment leur moment, ils sont un peu surpris au début parce que dans les métiers de l’écriture on a l’habitude que la plume soit au service du client. Mais on assume ce processus qui nous permet de les plonger entièrement dans cette expérience. Nous avons aussi une offre prestige, destinée à ceux qui veulent encore plus valoriser l’instant de l’extraction.

Marion : Cette offre plaît beaucoup aux particuliers car, même si les professionnels représentent la plus grande part de notre chiffre d’affaires, on travaille aussi avec une très belle clientèle de particuliers. Il s’agit par exemple d’enfants qui commandent le portrait de leurs parents ou de couples qui s’offrent un portrait croisé.

Trafalgar

Crédit : Trafalgar Maison de Portraits

Vous avez reçu plusieurs prix dont le 2e Prix Acteurs de l’Économie, Entreprise à valeur d’exemplarité. Comment intégrez-vous l’éthique et l’exemplarité dans votre démarche entrepreneuriale ?

Marion : Il y a bien entendu notre volonté de développer notre Maison pour sécuriser l’emploi des littéraires, mais nous sommes aussi très impliquées à l’extérieur, et très actives sur le terrain. Nous avons été jury du concours d’éloquence, nous sommes allées témoigner au Ministère de l’Éducation Nationale et de la Recherche. Nous avons une vraie ambition d’éducation, de formation. Nous voulons faire comprendre que, quand on sait lire et écrire, on peut être bon dans de nombreux domaines. On intervient aussi dans des écoles pour former à l’exercice de portrait et pour sensibiliser les professeurs au fait que des cours d’écriture sont plus que nécessaires aux côtés des cours de français.

Bérengère : Le projet de notre société c’est de ramener les lettres et la littérature en entreprise. Aujourd’hui, si un directeur de la communication alloue facilement des budgets à l’image ou à la vidéo, l’écrit est toujours laissé pour compte. Notre objectif est vraiment de remettre au goût du jour l’un des plus beaux savoir-faire français. C’est aussi pour cela que l’on s’investit beaucoup dans le tissu entrepreneurial. On a par exemple eu un siège au conseil stratégique de la métropole de Lyon, on a été ambassadrices du salon des entrepreneurs l’année dernière, on essaie de donner un maximum de conférences pour dire que les lettres sont importantes et vectrices d’un message fort.

Marion : On a bénéficié d’une forte visibilité depuis la création de Trafalgar car il y a aujourd’hui une volonté de dire que l’entreprenariat est accessible à tous. Nous demander d’être porte-parole de l’entreprenariat revient à dire que tout le monde peut créer une entreprise si même des littéraires sont à même de réussir. Nous tenons aussi à travailler avec tous les secteurs. C’est notre produit qui est luxe mais ce ne sont pas forcément nos clients. On travaille autant avec le Ritz Paris qu’avec les centres sociaux du Rhône, on travaille autant avec le groupe Babolat, le groupe Valrhona et les grands chocolatiers parisiens qu’avec les indépendants et les entrepreneurs en création.

Bérengère : Nous transpirons notre combat et devons être en parfait accord avec ce que nous avons créé et ce que nous réalisons au quotidien. Et pour cela aussi, être deux est primordial.

Quels sont vos projets pour l’avenir ? Vos rêves les plus fous ?

Bérengère : La création d’une école d’écriture ou d’une formation, et travailler à devenir la référence du portrait écrit en France.

Marion : Nous devons être leaders et pionnières. Nous sommes, certes, les premières à avoir consacré une Maison à l’exercice du Portrait écrit, mais nous souhaitons être leaders du secteur. Nous voulons permettre de nouvelles embauches et continuer à faire en sorte que le style de la Maison soit reconnu, tout comme celui de chaque portraitiste. Le rêve serait d’avoir une famille de portraitistes dans laquelle chacun a sa spécialité. Enfin, nous avons encore beaucoup d’idées pour déployer l’expérience Trafalgar, parce qu’il n’y a aucune limite à l’émotion. Quand nous avons participé au Salon du Luxe à Paris, beaucoup nous ont dit que nous étions parfaitement dans les codes du luxe qui sont, fidèlement aux 3 E de Laura Perrard sa fondatrice, l’excellence, l’émotion et l’expérience. Ce jour-là, notre Maison d’écriture haute couture a connu, une fois encore, un franc succès. Il est urgent que les individus se remettent à désirer et à s’arracher la beauté des mots, comme le pouvoir des écrits atypiques et stylisés.

Trafalgar

Crédit : Trafalgar Maison de Portraits

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