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Portrait d’Alfi, la pétillante créatrice de la marque de déco Keur

AMOUREUSE DE LA VIE, LA CRÉATRICE DE LA BOUTIQUE KEUR PIGALLE EXPRIME SA PROPRE IDÉE DU MÉTISSAGE AVEC DES COLLECTIONS COLORÉES

12 octobre 2018

Alfie - Boutique Keur Pigalle

(Crédit : Numéro Une)

Il y a cinq ans Alfi Brun a ouvert la boutique Keur, rue Jean-Baptiste Pigalle, dans le 9e arrondissement de Paris. Cette quarantenaire passionnée, qui aime la vie et la croque à pleines dents, revisite l’artisanat du Sénégal, le pays où elle est née et a grandi. Elle exprime sa propre idée du métissage en mélangeant matériaux traditionnels africains et motifs plus contemporains. Alfi nous a parlé de sa marque, de ses projets, mais aussi de son fils et de l’épanouissement que lui procure son aventure de créatrice.

Alfi, peux-tu nous parler de ton parcours et de l’aventure Keur ? Comment as-tu eu l’idée de créer ta marque ?

Après avoir travaillé pendant six ans dans le prêt-à-porter, j’ai eu envie de faire quelque chose pour moi, et que ce quelque chose soit lié au Sénégal. En Afrique, les gens aiment bien tous les produits qui viennent d’Europe ou des États-Unis, alors je me suis dit que je pourrais essayer de faire le contraire, en présentant des produits du Sénégal autrement. Les Européens apprécient l’artisanat africain mais ils ont souvent du mal à aller vers ces produits qu’ils trouvent trop marqués, avec des motifs trop forts. J’ai donc eu l’idée de proposer un mélange entre des tissus, des matériaux africains, et des motifs contemporains, européens. Quand je me suis lancée dans l’aventure Keur il y a cinq ans, mon fils avait déjà 6 ans et transmettre l’idée du mélange, du métissage, était devenue importante pour moi.

Boutique Keur Pigalle

Boutique Keur – Crédit : Numéro Une

Comment ta marque te permet-elle de faire le lien entre la France et le Sénégal ?

J’essaie de trouver de très beaux motifs correspondant à une clientèle européenne, de proposer des choses contemporaines, peu marquées, mais permettant d’accéder à l’artisanat africain, au wax en particulier. Le wax est habituellement utilisé pour les boubous, les tenues quotidiennes, qui ne font pas partie de la culture européenne, mais peut aussi être décliné en produits de décoration, en coussins, en housses de couette, en plaids, en trousses… Quand j’ai commencé, le wax n’était pas spécialement dans l’air du temps, mais depuis deux ans son utilisation par des marques européennes commence à exploser, même dans des tenues de créateur, et je m’en réjouis.

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

J’aimerais vraiment travailler avec d’autres pays, comme l’Afrique du Sud, le Kenya, la Namibie, le Mozambique… Ce sont des lieux que je ne connais pas, que j’aimerais découvrir, pour aller au-delà du Sénégal, élargir ma représentation de l’artisanat africain, élargir ma gamme de produits. Et j’aimerais aussi beaucoup ouvrir d’autres boutiques à Paris ou ailleurs en province.

Alfie - Boutique Keur Pigalle

Boutique Keur – Crédit : Numéro Une

Avec qui travailles-tu ?

Je travaille avec les gens du quartier où je suis née, où j’ai grandi. Je vivais à Usine ben Tally, un quartier de Dakar très pauvre, que personne ne connaît, qui n’existe même pas sur la carte du Sénégal. C’est un quartier où il y a beaucoup de jeunes, beaucoup d’artisans. Je travaille avec mon voisin, le meilleur ami de mon frère, c’est lui qui fait les tabourets. Pour le textile, je travaille avec ma belle-sœur, c’est elle qui va au marché, qui prend des photos, et ensuite je choisis avec ma partenaire française, Mélodie Baschet. Mélodie sait ce qui convient à la clientèle française, c’est elle qui a fait la décoration de la boutique, qui a dessiné les motifs du papier peint, les motifs des assiettes et des plateaux de la prochaine collection… Elle est vraiment avec moi depuis le début du projet, on choisit toujours les motifs ensemble et je suis rassurée par sa validation. Une fois que nous avons fait nos choix, c’est Moussa à Dakar qui fait tous mes textiles. Je l’ai connu quand j’étais petite, il travaillait au marché de tissus où ma mère avait un restaurant, un petit boui boui. Je trouve ça très chouette de travailler comme ça. C’est très simple, très carré, il ne s’agit pas d’une assoc, juste d’une collaboration avec des gens qui ont un savoir-faire. Je travaille aussi avec des artisans d’autres villages situés à une ou deux heures de Dakar, ce qui me permet d’avoir des choses moins touristiques, plus variées.

Quelle sera la couleur phare de ta prochaine collection ?

La prochaine collection devrait sortir en novembre. Il y aura beaucoup de vert et de bleu, beaucoup de couleurs gaies. Cette collection va être très sauvage. Il y aura par exemple beaucoup de motifs avec des animaux.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?

Il n’y en a qu’une. C’est ma mère. C’est vraiment une battante, elle a eu sept enfants, elle a toujours travaillé. A l’âge de sept ans, j’ai commencé à aller au marché avec elle, à vendre des boubous, je l’ai fait jusqu’à ce que je vienne en France. Ma mère était et reste mon exemple.

Tu nous expliquais que le fait d’avoir eu ton fils t’avait inspirée pour créer Keur. Quelles astuces donnerais-tu aux mamans qui nous lisent pour trouver l’équilibre entre vie de famille et vie professionnelle ?

C’est juste une question d’organisation ! Je ne dis pas que c’est évident parce qu’il faut à la fois travailler, créer, réfléchir, penser à sa famille, mais c’est formidable d’avoir son propre projet. Cela donne aussi une flexibilité appréciable quand on a des enfants parce qu’on gère comme on veut, que l’on peut se permettre d’emmener son enfant chez le médecin… Disons qu’il y a moins de contraintes d’emploi du temps, même si tu travailles autant voire plus. Souvent je suis à la boutique toute la journée, je ne prends pas de pause, mais d’un autre côté je sais que si j’ai un rendez-vous avec mon fils je peux décider de fermer de telle heure à telle heure. Et pour moi, avoir cette liberté-là, quand on a des enfants, n’a pas de prix. Il y a bien sûr des hauts et des bas, des mois où l’on se pose des questions, mais je me dis toujours qu’il faut foncer, que l’on n’a rien sans rien. Je crois que l’équilibre vient aussi du fait que j’aime vraiment ce que je fais, qu’avoir ma boutique m’épanouit, que j’aime ce quartier, le contact avec les gens. Quand je viens le matin, je suis heureuse parce que je sais que je vais voir du monde, discuter, échanger, et rien que cela me fait du bien.

Quel est le prénom de ton fils ?

Samory. Nous cherchions un prénom original, d’origine africaine, qui ne soit pas musulman, pas connecté à la religion. Samory était un grand guerrier, très connu en Afrique. C’est l’arrière arrière-grand-père de Sékou Touré, l’ancien président de la Guinée qui était à la tête d’un régime dictatorial mais qui a aussi beaucoup lutté contre les colons. En Afrique, les gens n’appellent pas leurs enfants Samory parce qu’ils trouvent que ce personnage était sanguinaire, qu’il aimait faire la guerre. C’est donc un prénom original aussi bien en Afrique qu’en France. D’ailleurs, quand nous nous promenons en famille dans notre quartier à Belleville, toutes les mamans africaines se retournent quand elles entendent le prénom de notre fils. C’est un prénom très fort qui a tendance à surprendre.

Qu’aimez-vous faire tous les trois ? Quels sont vos lieux de prédilection pour vous ressourcer et passer de bons moments en famille ?

On adore voyager. Dès que l’on peut, on essaie de partir, au moins une fois par an, dans un endroit où on reste un mois, en août. Quand je le peux, j’aime aussi beaucoup visiter des musées avec mon fils. On aime aussi tout simplement sortir, faire la fête. Le 104 est un endroit que j’adore. C’est génial avec un enfant car là-bas les gens ont la liberté de s’exprimer, il n’y a pas de chichi, c’est très simple. J’adore cet endroit, je trouve que c’est aussi bien pour les adultes que pour les enfants, et c’est rare à Paris. Tu rentres, tu t’installes, tu peux te poser que tu consommes ou non, juste pour voir du monde… Quand j’étais jeune, au Sénégal, il n’y avait pas de possibilité d’aller au cinéma, au musée, au théâtre, dans des bars. Alors aujourd’hui j’en profite, je profite de la vie.

Si tu devais donner un conseil à des femmes qui veulent créer leur marque ou leur société ?

Y aller et essayer, parce que si on n’essaie pas, on ne peut pas savoir. Quand j’ai commencé ce projet, j’en parlais beaucoup. Certaines personnes me motivaient et d’autres me demandaient si je n’avais pas peur, me parlaient de la crise… Mais moi je pense que la crise a toujours existé et que ce sont des excuses. Si on se cache derrière ça, on ne bouge pas. Il faut essayer, et d’autant plus en tant que femme. Quand on a envie de faire un truc, il faut y aller franchement, jusqu’au bout, pour ne pas avoir de regrets.

Keur, 39 rue Jean-Baptiste Pigalle – 75009 Paris

Boutique Keur Pigalle

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