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L’infidélité féminine est-elle encore tabou ?

Le site de rencontres Gleeden s’empare des enseignements de l’Histoire et d’une analyse de nos sociétés contemporaines pour repenser l’infidélité féminine.

15 juin 2019

Crédit : Gleeden (campagne publicitaire : Agence Brigit)

Nous avions rencontré Virginie Girod en mars dernier pour évoquer la sexualité des femmes dans l’Antiquité. L’historienne connue pour ses recherches sur la sexualité féminine, devenue l’un des visages de l’émission Secrets d’Histoire, nous a conviées à une conférence de presse organisée en partenariat avec le site de rencontres extra-conjugales Gleeden. Outre son intervention sur l’infidélité féminine dans l’histoire, cette rencontre était l’occasion de dévoiler les chiffres d’une étude récemment menée par l’IFOP sur un thème tout sauf frivole, qui constitue un objet d’analyse passionnant des sociétés contemporaines dans lequel nature et culture continuent à s’affronter.

Lancé en 2009, Gleeden est le premier site de rencontres qui cible ouvertement les personnes mariées ou en couple. Pensé par des femmes pour des femmes, le site propose de cesser de considérer l’infidélité féminine comme quelque chose d’anormal qui ne devrait pas exister, et de s’autoriser, en tant que femmes, à être aussi libres que les hommes. L’Histoire est au cœur de la nouvelle campagne de pub de Gleeden qui s’appuie sur les figures de grandes héroïnes parmi lesquelles Cléopâtre qui « avait aussi César comme Jules », la Reine Margot qui « n’avait pas qu’un seul Henri dans la vie » ou Joséphine qui « voyait plus grand que Napoléon ». L’occasion pour Virginie Girod de revenir sur l’infidélité féminine dans l’histoire en répondant à la question suivante : quand et pourquoi a-t-on inventé l’infidélité ?

Campagne d’affichage Gleeden / Agence Brigit

Petite histoire de l’infidélité féminine par Virginie Girod

Durant la Préhistoire, que ce soit du côté des australopithèques comme Lucy il y a 3 millions d’années ou de celui des homo-sapiens à l’époque de Lascaux 15 000 ans avant J.-C., les enfants étaient ceux du groupe et la fidélité n’avait pas d’importance. Tout change au Néolithique, en 9 000 avant J.-C., avec la sédentarisation. Les hommes inventent alors la notion de possession et on possède ses biens, ses terres, mais aussi ses enfants. La filiation devient donc importante et, avec elle, se pose la question de la fidélité.

Dès lors que la fidélité est imposée aux femmes pour maîtriser la procréation des hommes, « deux groupes sont constitués, deux faces d’une même monnaie qui ne se rencontreront jamais : la mère et la putain », raconte Virginie Girod. Tout un système de lois punitives va être mis en place pour encourager les mères à respecter leur catégorie sociale. Chez les Égyptiens, une femme prise en flagrant délit d’adultère pouvait être jetée aux crocodiles. Dans la Rome antique, le père de la femme adultère avait le droit de tuer sa fille et son amant. Peine de mort, répudiation, mise en marge de la société… les hommes tentent de s’arroger un contrôle absolu sur le corps des femmes. Les femmes, qui sont des êtres de désir, au même titre que les hommes, commencent alors à enfreindre les règles. « L’idéal, pour ne pas attirer l’attention, était d’afficher le masque social de la femme parfaite ou d’être une femme puissante », poursuit l’historienne. Ce fut le cas de Cléopâtre à qui son statut permit d’avoir une vie libre, au détriment de sa réputation. On va en effet l’affubler des poétiques surnoms de « putain impériale » et de « reine salope », ce qui participait d’une entreprise de destruction de l’intégrité de la reine égyptienne qui était libre dans ses histoires amoureuses, certes, mais aussi et surtout une véritable femme politique.

« L’idéal, pour ne pas attirer l’attention,
était d’afficher le masque social de la femme parfaite
ou d’être une femme puissante. »

A noter que dans l’Antiquité, les hommes ne pouvaient pas être adultères mais seulement complices d’adultère. Ce sont les Chrétiens, pour qui le sexe doit avoir pour seule fin la procréation, qui vont condamner l’adultère tant pour les hommes que pour les femmes. On va alors créer, au Moyen-Âge, des manières élégantes d’avoir des relations hors mariage avec l’amour courtois. « Mais les femmes qui outrepassaient ce petit jeu de séduction permis par la société, celles qui passaient vraiment à l’acte, on les fouettait, on rasait leurs chevelures, on les enfermait au couvent », comment Virginie Girod.

À la Renaissance, on se souvient de quelques femmes libres. Il y eut bien évidemment la Reine Margot qui vécut des histoires d’amour aussi magnifiques que rocambolesques, autorisée par son mari Henri IV à aller voir ailleurs à condition qu’elle ne tombe pas enceinte. Plus tard, ce furent Madame de Montespan et Madame de Pompadour, les maîtresses respectives de Louis XIV et de Louis XV, qui firent parler d’elles. Puis, alors que la fin de la Renaissance avait conduit les femmes vers les salons et le travail, la Révolution va les ramener au foyer – le code Napoléon les privant de droits civiques au même titre que l’enfant, le malade mental et le criminel – et condamnant bien évidemment leurs infidélités.

La dichotomie créée au moment où l’homme se sédentarise, et entretenue pendant des siècles, entre mères et putains n’est pas encore clairement abolie aujourd’hui dans une société qui connaît pourtant des avancées sans précédent. Les enfants nés hors mariage ne sont plus qualifiés de bâtards, le mariage pour tous autorise l’union des couples homosexuels, la PMA se développe, la filiation change… Dans ce contexte, l’infidélité féminine doit-elle rester un problème ? Pour Virginie Girod, « la désacralisation de l’infidélité féminine participe de l’égalité entre les hommes et les femmes » et doit passer par une « désacralisation du corps des femmes ». Ce corps que les hommes veulent posséder et qui peut les rendre fous, les conduire au crime passionnel, lorsqu’il leur échappe.

« La désacralisation de l’infidélité féminine participe
de l’égalité entre les hommes et les femmes. »

Campagne d’affichage Gleeden / Agence Brigit

L’infidélité féminine aujourd’hui : ce que révèle le dernier sondage de l’IFOP

Mené en 2019 auprès de 5000 femmes européennes vivant en Italie, en France, en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni, le dernier sondage de l’IFOP sur le sujet avait pour objectif d’étudier quels pouvaient être les freins, les motifs et les modalités de l’infidélité féminine dans des sociétés évoluées comme les nôtres qui continuent toutefois très largement à la considérer comme un pêché.

Cette étude révèle dans un premier temps que les femmes sont davantage choquées quand c’est la femme qui trompe. L’infidélité féminine reste donc tabou – les Européennes ayant intégré le fait qu’elles risquent une plus grande stigmatisation que les hommes si leur activité sexuelle sort du cadre du couple.

En ce qui concerne l’expérience personnelle de l’infidélité au cours de la vie, elle concerne 37% des femmes en France en 2019 contre 33% en 2014 et 10% seulement en 1970. L’autonomisation financière des femmes leur a donc donné plus de liberté, même si l’écart avec l’infidélité masculine, qui concernait 49% des hommes en 2014, reste significatif. Dans des pays comme l’Italie et l’Espagne, où le contrôle social sur les comportements sexuels des femmes est plus prégnant, l’écart entre hommes et femmes est plus important. Le sondage révèle également une différence entre milieux sociaux : plus les femmes sont diplômées, plus elles ont un statut social élevé, plus elles ont une facilité à tromper car elles sont moins sensibles au risque d’opprobre sociale.

« Plus les femmes sont diplômées, plus elles ont un statut social élevé, plus elles ont une facilité à tromper car elles sont moins sensibles au risque d’opprobre sociale. »

Parmi les explications à l’infidélité, ce sondage révèle que ce qui prédomine n’est pas forcément un manque d’affection mais plutôt l’attirance physique motivée par la recherche du plaisir sexuel, loin des visions stéréotypées affirmant que l’homme trompe parce qu’il a des pulsions sexuelles et la femme parce qu’elle a des problèmes dans son couple.

L’étude révèle également que, quand il y a un problème dans son couple, la femme a tendance à inscrire l’infidélité dans une période transitoire, comme un moyen de trouver un nouveau partenaire stable ce qui est le signe d’une certaine autonomie : au lieu de s’enfermer dans une relation insatisfaisante, elle trouve les ressources pour aller chercher ailleurs un potentiel futur partenaire.

Du fait des différences de risques d’opprobre sociale, l’adultère reste donc toujours plus aisé pour les hommes que pour les femmes mais, dans des zones comme l’Europe, l’infidélité féminine constitue un symbole d’indépendance de la femme, un moyen d’assouvir la part purement individuelle et naturelle de sa sexualité, en rupture avec les normes culturelles qui tendent à restreindre la sexualité des femmes au cadre du couple.

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