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Flore Cherry, pour une sexualité joyeuse et décomplexée

« Une fois que tu as les mots pour parler de sexe et de désir, il y a plein de choses qui deviennent un peu plus faciles dans ta sexualité, pour séduire, pour teaser et pour écrire une histoire si tu en as envie. »

7 février 2020

Flore cherry

Photo de Flore Cherry – Crédit : Un regard sensuel

Journaliste, autrice et créatrice d’événements autour de l’érotisme et de la sexualité, Flore Cherry a pour ambition de libérer la parole et de dépoussiérer le marché du sexe. Débordante d’énergie et de projets, elle dirige aujourd’hui le pôle digital du magazine Union, elle est la co-créatrice de la société réalisatrice de fantasmes My Sweet Fantasy, elle organise depuis 4 ans le Salon de la littérature érotique et ses deux nouveaux livres paraitront en mars et en juin aux éditions La Musardine. Flore nous a parlé de son parcours, de ses projets, de ce qui l’inspire et de la sexualité joyeuse et décomplexée qu’elle promeut.

Flore, tu es journaliste spécialisée dans les questions de sexualité. Tu as été sex’périmenteuse pour Femme actuelle, tu es chroniqueuse pour l’émission de Brigitte Lahaie sur Sud Radio et tu es la responsable éditoriale web du magazine Union. Quel est ton parcours ?

J’ai commencé à m’intéresser au milieu de la sexualité en petit job étudiant : je vendais des sex toys à domicile et je me suis mise à parler pour la première fois avec des femmes que je ne connaissais pas de sexualité. C’était il y a 6 ans et on était dans un état de méconnaissance total par rapport à la sexualité. Aujourd’hui on en parle davantage, mais à l’époque j’ai rencontré beaucoup de filles qui étaient très gênées ne serait-ce que de toucher un canard vibrant rose. Je me disais que si ces filles n’étaient pas capables de toucher un sex toy, ça devait être compliqué au lit. Je trouvais dangereux de ne pas être capable de parler de sexualité, de ne pas savoir nommer les choses, de ne pas en parler dans son couple. Quand je repartais de ces réunions, les filles me remerciaient en me disant que ça leur faisait beaucoup de bien d’en parler, comme si elles avaient besoin d’une forme d’autorisation. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à proposer des ateliers d’écriture érotique et je travaille depuis 5 ans pour le magazine Union.

Créer des espaces bienveillants où on peut parler librement de sexualité est donc le fil rouge de tout mon travail. Mais il y a des façons de le faire parce que c’est un sujet spécifique. Il y a une telle crispation autour de ce thème que, souvent, quand on dit aux gens qu’on va parler de sexe, ils se disent qu’ils vont devoir parler de leur propre sexualité alors que c’est très intime ou ont peur de ne pas savoir et de paraître bêtes avec leurs questions. Il arrive aussi que les gens ouvrent les vannes et déblatèrent en racontant n’importe quoi. C’est pour cela que je me sers beaucoup du jeu qui permet de parler de sexe sans parler de soi, en dédramatisant et en prenant du recul puisque c’est un sujet qui peut toucher à des choses très graves comme le viol. Tout le monde n’a pas le même rapport au sexe, certains sont très pudiques, d’autres très angoissés, d’autres très à l’aise, mais l’humour est un excellent moyen pour en parler et réfléchir.

« Je me sers beaucoup du jeu qui permet de parler de sexe sans parler de soi, en dédramatisant et en prenant du recul. »

Tu es aussi la co fondatrice de « My Sweet Fantasy », un projet unique en son genre qui propose aux particuliers de vivre leurs fantasmes. Peux-tu nous en dire plus ?

Je connaissais mon associé Arthur Vernon, un metteur en scène de pièces de théâtre érotiques, depuis un petit moment parce qu’on a la même maison d’édition. Il y a deux ans, il m’a dit que ce serait formidable de réaliser les fantasmes des gens à deux, parce que j’ai l’expérience de l’organisation événementielle qui lui n’a pas et qu’il a l’expérience de l’écriture de scénarios et de la direction d’acteurs que je n’ai pas. Je ne l’aurais pas fait toute seule et je ne suis pas sûre qu’il l’aurait fait sans moi, mais à deux on se partage bien les tâches. Je voulais qu’on parle aux couples parce que ça répondait à une sorte de manque que je ressentais depuis longtemps. On va dire qu’au bout de 4-5 ans, pour essayer de nouvelles choses dans sa vie sexuelle, il y a peu de choix : soit tu achètes un nouveau sex toy, soit tu vas dans le libertinage, soit tu prends un amant. Mais tu n’as pas forcément envie d’acheter pour acheter ou de baiser avec quelqu’un d’autre. Quand j’ai voulu trouver quelqu’un pour un dîner aphrodisiaque ou pour faire une lecture érotique, j’ai réalisé que ça n’existait pas. Le truc le plus coquin entre guillemets que j’avais trouvé c’était une nana qui faisait des massages en couple et qui apprenait à faire des massages. Il n’y avait rien sur ce créneau là et pas du tout d’Entertainment pour adultes. Alors qu’organiser des lectures érotiques ou faire venir un professeur de culture érotique à domicile, c’est tout simple.

« Ce qui marche le mieux ce sont les kidnappings, c’est très drôle pour les couples, ça les met dans des positions improbables. »

Ce qui marche le mieux ce sont les kidnappings, c’est très drôle pour les couples, ça les met dans des positions improbables. Lui est menotté avec du sang partout et elle est transformée en prostituée, ils n’arrêtent pas de rire entre eux pour évacuer la tension. On joue par exemple sur le candaulisme, une pratique qui implique que la femme couche avec un autre homme devant les yeux de son mari, mais de façon très soft. On hypersexualise la nana et son mec se dit que sa femme est un super objet de désir, ça crée un truc même si c’est du jeu, ils se retrouvent à la fin et font ce qu’ils veulent. On vient créer ces petits déclencheurs qu’on connaît dans le milieu du BDSM, dans le milieu du tantrisme, dans le milieu libertin. On propose une expérience intéressante pour le couple mais dans un contexte très sécurisé.
Il y a aussi tous les hommes et femmes seuls. Il y a par exemple des hommes qui ont un fétichisme particulier pour les pieds. Là on est en train de faire une arrestation pour un homme qui fantasme depuis toujours sur le fait d’être arrêté par sa partenaire. On leur fait vivre un truc qui n’est pas exactement leur fantasme mais ils arrivent à retrouver des choses et je pense qu’ensuite, quand ils repensent à leur fantasme, ils peuvent le mélanger avec la réalité.

Tu as aussi publié Le guide de survie sexuelle des timides chez Tabou Éditions. As-tu d’autres projets de livres ?

Oui, j’en ai deux ! Tout d’abord un livre sur l’écriture érotique qui est ma grande spécialité. Ça fait 4 ans que j’organise le salon de la littérature érotique à la Bellevilloise. C’est une matière qui m’amuse, que je vois grandir et qui m’intéresse beaucoup car c’est une sorte de sous-genre, principalement parce que, comme pour beaucoup de choses dans le milieu du sexe, les circuits de distribution sont limités. C’est compliqué pour les maisons d’édition, tu es toujours rangé dans des petits rayons à la Fnac où on voit surtout de la new romance comme 50 nuances de Grey. Toute une partie de la littérature érotique est déréférencée, mise sous tapis, et on ne peut pas en parler. Comme il n’y a pas de distribution, il n’y a pas beaucoup d’argent, et comme il n’y a pas beaucoup d’argent, il n’y a pas beaucoup de qualité. Il y a des écrivains qui font ça par passion, mais c’est un petit business où chacun fait ce qu’il peut dans son coin. Pourtant, je crois vraiment que ça peut intéresser la jeune génération et qu’il y a plein de fantasmes à aller explorer.

Dans mon livre sur l’écriture érotique qui sortira en mars, je donne plein d’astuces très simples. Pour moi c’est une forme de science et il y a des choses à savoir. Quels sont les ressorts érotiques qui fonctionnent bien ? Comment amener une scène de sexe ? Comment éviter les répétitions parce que le gros danger avec la littérature érotique c’est d’écrire « bite chatte couille » toutes les trois lignes et de faire des métaphores à rallonge ? Il y a vraiment des problématiques et des techniques spécifiques permettant d’écrire quelque chose de qualitatif. Une fois que tu as le vocable, que tu as les mots, pour parler de sexe et de désir, il y a aussi plein de choses qui deviennent un peu plus faciles dans ta sexualité, pour séduire, pour teaser et pour écrire une histoire si tu en as envie.
Et je sors un autre livre en juin, un cahier d’écriture sexy avec des petits jeux d’écriture, aux éditions La Musardine.

Couverture du livre L’Écriture érotique de Flore Cherry (éditions la Musardine)

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier aujourd’hui ?

La diversité. Chez Union, c’est le côté business m’intéresse. Avec My Sweet Fantasy, j’aime le rapport à aux gens et l’organisation de l’événement. Tout me plaît car ce que je fais touche toujours à la parole autour du sexe, à ce que les gens font au lit, à ce que c’est que la sexualité. Aujourd’hui je pense qu’il y a plein de choses qui ne sont pas faites pour répondre correctement aux besoins des gens. On en est encore au Moyen-Âge du cul, même si on commence à être dans une prise de conscience que je trouve très chouette.

Quels conseils donnerais-tu à une femme qui aurait envie de se spécialiser comme toi dans les questions de sexualité ?

Il y a plein de métiers différents autour de la sexualité. Il y a des humoristes, des podcasteuses, moi je suis dans l’événementiel et le journalisme. C’est à chacune de trouver le média qui la fait vibrer pour parler de sexualité. Après, le danger, quand tu es une fille et que tu parles de sexe, c’est évidemment le regard des autres et des hommes en particulier qui pensent que le fait que tu parles de sexualité est le signe d’une disponibilité sexuelle. Je n’ai jamais ressenti d’irrespect ou de mépris, mais ils se disent qu’il y a peut-être plus d’ouverture avec moi qu’avec une autre. L’interaction avec les hommes est donc très particulière et il faut en avoir conscience et réussir à le gérer. Ça peut être pénible parfois d’être cataloguée et pas forcément valorisée ou écoutée pour ce que tu fais.

Qui sont les femmes qui t’inspirent ?

Maïa Mazaurette est formidable, Camille Emmanuelle et Peggy Sastre aussi. Ce sont des filles dont je lis beaucoup les articles. Elles me font réfléchir parce qu’elles nourrissent des idées. Elles m’ont énormément apporté en matière de réflexion sur la sexualité.
J’aime également beaucoup Julia Palombe, une chanteuse de rock érotique, car elle a une force d’aplomb assez impressionnante.

Y a-t-il des lectures qui t’ont particulièrement influencée ?

Je pense à La domination masculine n’existe pas de Peggy Sastre. Le titre est provoc mais elle ne nie pas la domination masculine. Elle explique une chose qui me semble vraie même si il est difficile de se prononcer là-dessus : le fait que les hommes ne dominent pas pour dominer mais pour avoir du sexe. Elle parle aussi du rapport de pouvoir compliqué à établir dans les relations hommes femmes car ça dépend de quel pouvoir on parle. En ce qui concerne la reproduction par exemple, les femmes ont bien plus de pouvoir que les hommes. Elle remet beaucoup de choses à plat et c’est intéressant si on veut prendre du recul sur son féminisme et sur son rapport et à la sexualité
Récemment j’ai beaucoup aimé lire Lever la tête, sortir du trou de Maïa Mazaurette. Je la rejoins totalement sur l’idée de sortir de la pénétration mais pas seulement. Elle parle aussi du piment dans le couple, en disant qu’il faut qu’on arrête avec ce fameux piment car c’est un truc qui fait un peu mal. Et c’est vrai que les solutions qu’on propose sont souvent douloureuses, comme le libertinage dont l’un des ressorts est la jalousie. Et c’est un peu pénible de jouer sur un truc négatif, alors qu’il existe d’autres espaces pour réinventer sa sexualité. Elle parle notamment de tantrisme, de slow sexe, de façons douces d’explorer sa sexualité. Il y a aujourd’hui une forme de surreprésentation du sexe douleur par rapport à des formes plus créatives de sexualité lascives qu’on connaissait avant dans les harems et dans les orgies romaines où les gens n’étaient pas habillés en cuir en train de se fouetter. Cette vision de la sexualité est très présente aujourd’hui dans nos récits érotiques, c’est bien sûr une façon de créer un imaginaire autour de sa sexualité mais ça n’est pas la seule.

Ton mot de la fin « Rose Boudoir » ?

Le mot boudoir me ramène évidemment à la littérature érotique et le rose associé au boudoir me fait penser à la partie la plus intime du sexe féminin, cette petite partie toute rose qu’on voit en écartant un peu les lèvres.

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