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Jeane Clesse, la voix de Basilic Podcast

Rencontre avec la créatrice du podcast consacré à l'environnement et aux initiatives positives

19 juillet 2019

Basilic podcast

Crédit : Jeane Clesse

Alors que les femmes sont encore sous-représentées dans les médias traditionnels, le podcast apparaît comme un espace d’expression et de liberté pour parler de féminisme, de sexualité, d’entrepreneuriat mais aussi de sujets sans rapport avec l’égalité entre les hommes et les femmes. Parmi ces femmes qui font entendre leurs voix, Jeane Clesse a créé Basilic quand elle s’est expatriée à Hong Kong en 2017. Un podcast consacré à l’environnement et aux initiatives positives qui compte aujourd’hui 26 épisodes pour deux saisons – l’enregistrement de la troisième saison étant prévue en septembre. Juriste en droit de l’environnement et passionnée par l’écologie, Jeane a en effet eu envie de rencontrer celles et ceux qui s’investissent dans des activités écoresponsables. Et nous, on a eu envie de parler avec Jeane de son parcours, de sa vie à Hong Kong, de ses projets et des initiatives qui l’inspirent.

Basilic Podcast

Le podcast consacré à l’environnement et aux initiatives positives ! 

Bonjour Jeane, peux-tu nous parler de ton parcours ? Depuis quand t’intéresses-tu aux problématiques environnementales ?

J’ai fait des études de droit à La Sorbonne, à Paris, et plus particulièrement de droit de l’environnement. J’ai grandi dans une famille bio de la première heure. Mon père fabrique des cosmétiques bio depuis 30 ans, il a participé à l’élaboration de la charte cosmo-bio et des premiers labels. J’ai donc fait du droit avec l’idée de travailler dans l’environnement car le droit m’apparaissait comme un domaine permettant d’agir à grande échelle. J’ai arrêté mes études pendant un an car j’ai eu un problème de santé suite à la prise de la pilule de 4e génération. J’avais besoin de me soigner et de prendre du temps pour moi et c’est pendant cette année-là que j’ai fait un stage pour l’entreprise Lamazuna qui fabrique des cosmétiques et des shampoings solides. J’ai ensuite fait un master au cours duquel j’ai écrit un mémoire sur les perturbateurs endocriniens. Et, quand j’ai eu mon diplôme, Laetitia, la créatrice de Lamazuna, cherchait un premier CDI pour son entreprise. J’ai donc rejoint l’aventure. On a grandi très vite, on a ouvert une première boutique à Paris, puis d’autres points de vente. Je faisais le relai entre les revendeurs, les fournisseurs et les clients. Ce premier emploi m’a déviée de ma formation de juriste mais je me suis rendu compte que j’étais vraiment bien dans l’univers de la petite entreprise, avec plein de missions différentes, car j’aime me lever le matin sans savoir ce qui va se passer.

Et qu’est-ce qui t’a donné envie de créer un podcast consacré à l’environnement et aux initiatives positives ?

Avec mon compagnon, on a décidé de faire un Working Holiday Visa à Hong-Kong parce que j’avais eu l’occasion de faire un stage à Bangkok pendant mes études, que nous étions venus à Hong Kong pour le week-end et que nous avions adoré. On a donc tous les deux quitté nos boulots pour se lancer là-bas un peu à l’aventure en 2016. J’ai alors proposé à mon père de rejoindre l’entreprise familiale pour l’aider à développer sa communication, notamment sur les réseaux sociaux. Je n’étais pas rémunérée les premiers mois car je voulais lui prouver que ça avait du sens. Et, en parallèle, j’ai développé le Podcast. J’écoutais moi-même beaucoup de podcasts l’année où nous avons déménagé à Hong Kong parce que je ne pouvais plus écouter la radio à cause du décalage horaire. Je me suis dit que c’était dommage qu’il n’y ait rien sur l’environnement. J’avais fait un peu de journalisme juridique pendant mes études mais je n’avais jamais fait d’audio. Alors j’ai commencé à me renseigner et puis j’ai contacté des gens que j’avais envie d’interviewer. En ayant travaillé pour Lamazuna et pour l’entreprise de mon père, je connaissais pas mal ce milieu.

La première personne que j’ai contactée c’est Sabrina de Kufu qui fait des sacs upcyclés. Elle a accepté ma proposition et j’ai enregistré quelques épisodes lors d’un retour à Paris. Et depuis je fais toujours comme ça : dès que je rentre en France, je consacre quelques jours à l’enregistrement. Le Podcast s’est développé comme ça mais j’ai mis du temps à en être fière. J’assumais complètement avec les gens que je contactais, mais c’était difficile pour moi d’en parler aux gens que je connaissais ou que je rencontrais. J’avais un peu le syndrome de l’imposteur parce que je n’ai pas fait d’école de journalisme, et j’éprouvais aussi peut-être un sentiment d’infériorité parce que c’est toujours perfectible. J’ai vraiment mis du temps à assumer, à présenter Basilic comme quelque chose que je faisais, alors que ça me prend beaucoup de temps et que c’est une passion.

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Illustration de @ladydrawma pour Basilic Podcast

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans le podcast ?

J’adore le format audio parce que je trouve que tu peux percevoir ce que les gens ressentent dans les intonations de voix. Si j’interviewe une personne qui a eu des moments difficiles, qui a traversé une période sombre, on va vite le ressentir avec l’audio et ça me plaît beaucoup. J’aime aussi le côté intemporel du podcast, ce qui n’est pas le cas de la radio où tu as des horaires et des programmes. J’aime que les épisodes de podcast restent, que l’on puisse les écouter et les réécouter, les découvrir bien après leur mise en ligne. J’aime aussi le fait de rencontrer des gens, de les faire parler, de savoir ce qui les motive, pourquoi ils ont cette passion pour l’environnement et l’écologie. Ils ont bien évidemment envie de parler de leur projet, car ils ont des choses à vendre ou à mettre en avant, mais ce qui m’intéresse c’est de pouvoir creuser et de garder un côté authentique.

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Illustration de @ladydrawma pour Basilic Podcast

Basilic Podcast donne la parole à tous ceux et celles qui s’investissent dans des activités écoresponsables. Quelles sont les initiatives qui t’ont le plus touchée ?

J’ai été très touchée par le parcours de la fondatrice de Made & More, une marque de vêtements éthiques qui a été créée en Belgique. Stéphanie a fait faillite, ça a été un coup dur, une énorme déception pour ses clients. Mais finalement elle a réussi à reprendre le dessus et à racheter son entreprise. Ça m’a fascinée car il faut une force hors du commun pour faire ce genre de choses. Je connaissais la marque avant la faillite, j’ai suivi le rachat et j’avais vraiment envie qu’elle puisse se confier au micro de Basilic, pour le côté humain, pour son dévouement à un projet auquel elle croit et pour lequel elle est prête à se battre.

J’ai aussi été marquée par le parcours de Camille de Funky Veggie. Elle était encore à Sciences Po en train de finir son master quand elle s’est aperçue qu’elle était atteinte d’une maladie auto-immune et qu’il fallait qu’elle corrige toute son alimentation. Elle a dû tout repenser alors qu’elle n’avait jamais vraiment fait attention, ne s’intéressait pas spécialement à la nourriture saine, aux ingrédients et aux compositions. Et elle s’est dit qu’il fallait qu’elle en fasse quelque chose, que ça profite à d’autres. Elle a donc créé toute une gamme d’encas et de snacks sains. Pour composer ses premières petites boules d’énergies, elle a loué un labo où elle allait le week-end avec son associé qu’elle avait rencontré lors d’un week-end de start-ups. Aujourd’hui, Camille est une chef d’entreprise, elle a une vingtaine de salariés, mais elle a su rester très simple. J’admire son parcours. C’est difficile de changer toute ton alimentation, tout ce qu’on t’a appris, à travers ton éducation. Tu dois tout remettre en question et tu décides d’en faire une force et de créer une entreprise qui puisse profiter à tous. Ils ont d’ailleurs vraiment mis un point d’honneur à avoir une gamme de prix accessible à tous : si tu achètes une boule Funky Veggie, ce sera le même prix qu’un Snickers à quelques centimes d’euros près.

Basilic Podcast

Illustration de @ladydrawma pour Basilic Podcast

Tu vis à Hong Kong depuis quelques années. Peux-tu nous en dire plus sur la façon dont les enjeux écologiques y sont perçus, mais aussi sur le rapport au corps et à la nature en Asie ?

En ce qui concerne l’écologie, Hong-Kong est un peu à deux vitesses. A l’échelle du gouvernement, il n’y a pas tellement d’initiatives, mais ça va très vite à l’échelle de la population. Il y a plus de 8000 tonnes de déchets produits chaque jour à Hong-Kong qui sont jetés dans de grands terrains à ciel ouvert, mais il y a une vraie prise de conscience. La population se motive, crée des associations, se regroupe par quartier pour installer des poubelles de compostage. Les entreprises aussi se mobilisent. Macdo a par exemple supprimé toutes les pailles en plastique, ce qui n’est pas encore le cas en France. Il y a aussi des grosses entreprises comme HSBC qui ont supprimé les bouteilles d’eau en plastique dans leurs bureaux. Il y a donc un vrai changement depuis peu et j’espère que l’on va continuer sur cette lancée, même si toute une partie de la population a encore besoin d’être éduquée, ne voit pas le problème d’utiliser des sacs en plastique et d’acheter des légumes sous plastique.

HONG KONG

Parallèlement à cette omniprésence des déchets, il y a une grande importance du corps et de l’esprit. Ici c’est normal d’aller se faire masser le dimanche et de prendre du temps pour soi, c’est normal d’aller dans le parc en bas de chez soi à six heures et demi du matin pour faire du Qi-Gong, du Tai-Chi ou du yoga, que l’on ait 10 ou 90 ans. C’est ancré dans la culture asiatique et hongkongaise. Et, au-delà de ça, l’alimentation joue un rôle majeur. Ils ont vraiment des aliments spécifiques, il y a encore beaucoup d’épiceries traditionnelles qui vendent des plantes pour soigner tel ou tel mal. Et il y a aussi la médecine traditionnelle, l’acupuncture. Tu vas voir un médecin chinois qui commence par te demander de tirer la langue, qui prend ensuite ton pouls sur 4 pulsations différentes et peut alors dresser un petit constat sans que tu ne lui aies rien expliqué. Les gens ont une vie saine. Hong-Kong est une énorme mégalopole, où on travaille énormément, où tout se passe à 200 à l’heure, mais les Hongkongais prennent le temps de se retrouver en famille, de manger ensemble, d’aller au restaurant, de faire des sorties et de prendre soin de leur corps et de leur esprit. Et c’est vraiment fantastique.

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

Pour l’instant on se sent bien à Hong Kong, on y est bien établis, même si la maternité m’a un peu donné le mal de la France. Je pense que nous rentrerons d’ici un an ou deux. De mon côté, j’ai l’intention de développer Basilic, d’en parler davantage, de consacrer plus de temps aux réseaux sociaux, mais aussi de collaborer avec des marques, des associations, d’organiser des événements, des interviews vidéo… Je travaille sur différents projets qui devraient voir le jour d’ici la fin de l’année. J’organise aussi, en septembre, une rencontre avec les auditeurs qui ont envie d’échanger sur le podcast, de savoir comment lancer son podcast. Et, parallèlement à ça, je viens tout juste de relâcher un peu le travail avec mon père car j’ai envie d’importer quelques marques françaises, toujours dans l’univers de la beauté naturelle et bio, et de les distribuer à Hong Kong. Comme partout en Asie, les rituels de beauté sont vraiment ancrés dans le quotidien mais la qualité des produits utilisés n’est pas toujours formidable. J’ai donc envie d’importer quelques marques que j’apprécie pour les faire connaître ici.

Basilic podcast

Qui sont les femmes qui t’inspirent ?

Il y a Laetitia de Lamazuna avec qui j’ai fait mon stage, parce que c’est une femme qui a une force incroyable, qui a su monter son entreprise toute seule, qui avait trois boulots en même temps, qui ne s’est pas payée pendant 4 ou 5 ans. Et aujourd’hui Lamazuna est une entreprise française qui fait plusieurs millions de chiffre d’affaires par an. Laetitia a décidé de déménager sa structure dans la Drôme pour offrir un meilleur cadre de vie à ses employés, ce qui était un pari risqué, mais je crois que sur 17 employés ils sont 14 à l’avoir suivie et à avoir quitté Paris. On lui a proposé plusieurs fois de racheter son entreprise, de mettre des parts et elle s’est toujours défendue, elle a toujours souhaité rester toute seule et je trouve ça incroyable.


J’aime aussi beaucoup la journaliste Stéphane Aurel que j’ai découverte quand j’écrivais mon mémoire car elle a dénoncé les lobbies et toute la problématique des perturbateurs endocriniens. Elle est allée à Bruxelles, elle est allée écouter ce que les grandes entreprises avaient à dire, elle a réalisé un travail d’investigation exemplaire pour révéler des informations cachées. Ça m’a beaucoup aidée pour mon mémoire et je lis toujours ses livres qui sont très faciles d’accès.


Et je suis aussi inspirée par ma maman. Mes parents ont divorcé quand j’étais assez jeune et ma mère était freelance. Elle a toujours été indépendante parce qu’elle savait que c’était ce qui lui correspondait le plus, même si ça n’était pas toujours facile avec deux enfants. En plus, elle a toujours été confrontée à des milieux assez machistes car elle travaillait dans la photo, l’iconographie, la publicité. Elle a toujours su aller là où elle voulait aller et elle nous a donné, à mon frère et moi, l’image d’une femme libre, qui sait élever la voix quand il faut.

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