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Inna Shevchenko, le féminisme sur la peau

« Si je n’avais pas grandi dans cette société qui se battait pour sa propre dignité et son indépendance, je réalise aujourd’hui que je n’aurais pas fait les mêmes choix. »

18 février 2020

Inna Shevchenko

Photo de Inna Shevchenko – Crédit : DR

Inna Shevchenko a un destin hors du commun. Née dans une petite ville du sud de l’Ukraine, elle est aujourd’hui, à 29 ans, à la tête du mouvement international Femen. Elle vit en France où elle est réfugiée depuis 2012. Elle a dû quitter son pays où elle était menacée de mort en raison de ses actions politiques. L’année précédente, en 2011, elle avait été enlevée et torturée en Biélorussie après avoir manifesté avec deux autres activistes pour demander la libération de prisonniers politiques et contre la dictature du Président Loukachenko. Ces expériences extrêmes ont forgé sa personnalité et guident aujourd’hui encore ses combats. Elle vient de publier le tome 1 de la bande-dessinée Prénom Inna : Une enfance ukrainienne avec l’objectif de raconter son expérience de vie dans l’Ukraine post-soviétique mais aussi de parler aux Français pour leur rappeler leur bonheur de vivre dans une société où la liberté d’expression prévaut. Une société qui n’est pas parfaite puisqu’Inna et Femen se battent aussi, ici, contre les violences conjugales et pour changer les mentalités et la perception des corps féminins, mais une société qui jouit tout de même d’une liberté fondamentale et sacrée.

Inna s’est confiée avec une grande sincérité sur son parcours, ses inspirations, son engagement, les moments les plus difficiles et ceux qui lui font espérer devenir un jour « une post-féministe dans une société post-patriarcale », même s’il aurait fallu bien plus qu’une heure et demi dans un café de Saint-Germain pour écouter tout ce qu’elle a à dire et à exprimer.

Inna, tu étudiais le journalisme à l’Université de Kiev quand tu as rejoint le mouvement Femen, dont tu es aujourd’hui la présidente, un an après sa fondation. Quel a été l’élément déclencheur de ton engagement ?

C’est toute mon existence en tant que femme née en 1990, au moment de la chute de l’URSS, qui a dû grandir pendant une décennie assez exceptionnelle dans des conditions de vie très difficiles. Si je pense à mon enfance, je me souviens de l’obscurité parce que l’électricité ne fonctionnait que quelques heures dans la journée, tout comme l’eau. Je me souviens des adultes qui se sentaient perdus et humiliés. Je me souviens du silence, partout, et surtout du silence des femmes, du silence de ma mère qui devait, comme toutes les autres femmes, essayer de survivre tout en souffrant de la double-peine d’être une femme dans ce contexte. Je me souviens de tout ça. Et en même temps, même si les conditions de vie étaient bien moins bonnes que quand l’Ukraine faisait encore partie de l’Union Soviétique, même s’il y avait ce sentiment d’humiliation, il y avait aussi la liberté d’avoir de l’espoir, il y avait enfin de l’espace pour penser que nous pouvions vivre une autre vie. J’ai fait partie de cette première génération d’Ukrainiens qui a beaucoup souffert mais qui a aussi découvert la possibilité d’avoir des rêves et d’espérer pouvoir changer les choses elle-même.

Toute ma vie avant de rejoindre Femen a donc joué un rôle de déclencheur dans mon engagement. Pendant mes études à Kiev, j’ai obtenu un travail prestigieux dans le bureau de presse de la Mairie de Kiev. Et, là-bas, mon rêve de devenir journaliste a été détruit parce que j’ai dû écrire ce qu’on me disait d’écrire et parfois inventer la réalité pour présenter les gens au pouvoir d’une certaine façon. C’était pendant les années où la dictature commençait à s’installer en Ukraine, il n’y avait donc pas vraiment de média libre. J’ai alors compris que si je voulais m’exprimer, la seule possibilité qui s’offrait à moi était d’aller dans la rue, littéralement, de crier et d’écrire des messages sur mon corps, parce que personne ne s’intéressait à ma voix féminine, parce que personne n’avait envie d’entendre ce que j’avais à dire, ce dont j’avais besoin, ce que je voulais.

C’est donc à cause de cette privation de liberté que militer seins nus est devenu le signe distinctif du mouvement Femen ?

On a inventé cette tactique parce qu’on ne pouvait pas s’exprimer et parce qu’on avait grandi dans une société où tout le monde s’intéressait à notre physique, voulait nous regarder, mais jamais nous écouter. La tactique est utilisée aujourd’hui par les femmes d’autres pays, en France mais aussi partout dans le monde. La vie des femmes en France et en Ukraine est bien sûr très différente, mais il y a des similitudes car ici et là-bas le corps des femmes reste une cible, un objet d’exploitation. Je pense qu’il y a aussi des similarités avec le combat des femmes qui enlèvent leur hijab pour réclamer le droit de choisir de ne pas le porter, dans le fait de montrer leurs cheveux pour dire « je suis la seule qui définis ce que ce corps est, je suis la seule qui peut décider pour chaque partie de mon corps ». Et dans certains pays musulmans, comme en Iran, des femmes ont fait des photos seins nus en se cachant en référence directe à Femen.

Inna Shevchenko

Crédit : Jacob Khrist

Quels sont les principaux combats de Femen aujourd’hui en France ?

En France, le contexte change avec une rapidité assez incroyable. Il y a 3 ans, Femen était très engagé contre la montée de l’extrême-droite et a mené une campagne contre Marine Le Pen. L’année dernière, nous nous sommes engagées sur la question des féminicides bien avant le Grenelle des violences conjugales. Notre première action au Palais Royal mettait en scène les 60 premières victimes de 2019. Juste après, Marlène Schiappa a fait un communiqué en disant que c’était une alarme pour toute la société. Je pense donc que nous avons contribué à lancer la vague de réactions qui a suivi. Il y a bien sûr des féministes qui travaillent sur ce sujet depuis des années mais la prise de conscience globale est récente. Nous poursuivons nos actions aujourd’hui car il y a beaucoup de choses qui ne sont toujours pas faites, beaucoup d’erreurs de la justice, de la police. Notre objectif est surtout de changer les mentalités et la perception des corps féminins.

« Faire des compromis avec la liberté d’expression c’est comme ne pas respecter votre propre bonheur, c’est comme si vous ne compreniez pas qu’aucun pays dans le monde ne souffre d’excès de droits humains. »

C’est donc notre combat numéro un en France mais nous sommes aussi toujours là pour faire face aux extrémismes religieux, comme nous l’avons fait récemment avec le cas de Mila. Pour moi qui viens d’un pays où les gens souffrent du manque de liberté d’expression, ce que vous avez ici en France c’est le bonheur. Alors je ne comprends pas qu’on puisse menacer Mila et essayer de détruire sa vie parce qu’elle a dit, avec ses mots d’adolescente, qu’elle détestait la religion. Je comprends tout à fait que ses propos ne plaisent pas à tout le monde, mais à aucun moment elle n’a parlé des gens et des communautés. Elle parlait seulement des religions et maintenant elle ne peut plus aller au lycée, elle ne se sent pas en sécurité, elle est insultée sur les réseaux sociaux qui sont un espace où on peut être condamné à mort pour un tweet, et ça se passe en France. Faire des compromis avec la liberté d’expression c’est comme ne pas respecter votre propre bonheur, c’est comme si vous ne compreniez pas qu’aucun pays dans le monde ne souffre d’excès de droits humains. C’est un combat assez personnel pour moi car je peux faire la comparaison. Les gens ne comprennent pas qu’à chaque fois qu’ils essaient de limiter la parole de quelqu’un, ils se retirent leur propre droit à écouter et à avoir accès à une pluralité d’idées. Chaque fois que vous êtes confrontés à des opinions qui ne vous plaisent pas, vous avez l’opportunité de questionner vos arguments, de les tester, de gagner le combat idéologiquement ou de changer d’opinion. Et je pense que c’est ça le plus beau.

Tu ne peux pas retourner en Ukraine aujourd’hui ?

La situation a aussi beaucoup changé en Ukraine, le gouvernement et le président ont changé mais le contexte politique reste sensible, avec une montée assez importante de l’extrême droite. Et ces gens-là n’oublieront jamais le combat de Femen contre l’Église. Je reçois toujours des réactions assez violentes par rapport aux croix que j’ai coupées. Aujourd’hui, mon combat est partout, ma vie est ici. Je me demande parfois si je me sens toujours ukrainienne, mais je ne me sens pas française non plus. J’ai mon statut de réfugiée, c’est écrit sur mes papiers, c’est l’identité avec laquelle je me sens la plus confortable à ce moment de ma vie.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans tout ton parcours d’activiste ?

Il y a eu beaucoup de moments extrêmement difficiles. Chacun de ces événements a eu des effets différents sur moi et m’a beaucoup changée. La torture en Biélorussie a bien sûr été terrible parce que c’était la première fois que je vivais une telle violence physique. Ils répétaient qu’ils allaient nous tuer, je me répétais que j’allais mourir, que des personnes étaient prêtes à me tuer parce que j’avais enlevé mon t-shirt, écrit des slogans sur mon corps et crié dans la rue. On peut penser tout ce qu’on veut de notre tactique, de nos actions, mais c’est difficile de réaliser qu’il y a des gens pour lesquels il est plus facile de tuer que d’accepter que l’on s’exprime de cette manière.

« On peut penser tout ce qu’on veut de notre tactique, de nos actions, mais c’est difficile de réaliser qu’il y a des gens pour lesquels il est plus facile de tuer que d’accepter que l’on s’exprime de cette manière. »

L’exil aussi est très difficile. Ça a été très dur de partir, de laisser l’Ukraine, parce que c’est arrivé très soudainement et que je n’étais pas prête. Et puis ça a été très difficile de survivre à cet attentat terroriste à Copenhague en 2015. J’étais sur scène en train de parler, j’ai entendu les tirs derrière la porte, il y avait beaucoup de policiers qui protégeaient l’événement, grâce à qui je suis vivante aujourd’hui quand d’autres sont morts. J’ai tout de suite compris ce qui se passait, c’était exactement un mois après l’attentat contre Charlie Hebdo. Je me souviens de ce moment parce qu’encore une fois je me suis dit que c’était maintenant, que j’allais mourir. C’était il y a 5 ans déjà mais c’est une chose avec laquelle je continuerai à vivre toute ma vie.
Il a aussi été assez difficile de vivre le moment où les fondatrices ukrainiennes de Femen sont arrivées en France car il y a eu des désaccords violents entre elles et les activistes françaises sur la façon de développer le mouvement.

Inna Shevchenko

Instagram @innafemen 

On dit souvent justement que Femen a un fonctionnement un peu martial. On peut lire sur ton compte Instagram « Je vous ferai un lavage de cerveau pour vous politiser ». L’action politique suppose-t-elle pour toi une certaine forme de dureté voire de violence ?

C’est difficile de faire un lavage de cerveau à travers Instagram je pense (rires) ! De mon côté, j’ai des expériences d’activisme très dures parce que le contexte dans lequel on a fait nos premières actions en Ukraine était très dur. On ne pouvait pas se permettre de manquer de discipline, alors qu’on était suivies 24 heures sur 24 par les services secrets. Je suis donc arrivée avec cette attitude en France et je pense que cela a été utile pour monter le mouvement. Puis j’ai beaucoup appris des activistes françaises et j’ai changé certaines choses dans ma façon de présider. Après avoir transmis toutes les idées fondatrices et la tactique de Femen, j’ai laissé aux autres membres la possibilité de faire différemment. Je fais de mon mieux, je fais comme je peux, avec mes connaissances et mon histoire. Comme l’activisme est quelque chose qui peut être très dur, je considère qu’il faut aussi être prête à être dure d’une certaine manière. C’est un peu une question rhétorique d’ailleurs… Comment ne pas devenir dure si à 29 ans on a déjà essayé de vous tuer trois fois, si vous avez déjà été arrêtée une centaine de fois, si vous êtes constamment menacée parce que vous enlevez votre t-shirt ? Je ne sais pas

Inna Shevchenko

Photo de Inna Shevchenko – Crédit : Jacob Khrist

Quel est le processus pour devenir une Femen ?

Il y a beaucoup de mythes autour de ça. Comment devenir Femen ? Y a-t-il un casting ? On entend beaucoup de choses assez ridicules, mais ridiculiser les mouvements féministes n’est pas nouveau. Je dirais qu’il faut être une wonder woman mais chaque femme l’est. Il faut juste avoir envie de rejoindre le mouvement, envoyer un mail, contacter une des branches Femen, venir, participer aux entraînements. Et puis quand vous êtes prête, vous êtes Femen. L’investissement peut prendre des formes différentes. Il y a un groupe d’organisatrices qui travaillent tout le temps pour trouver des idées et planifier des actions. Il y a des femmes qui sont là pour participer aux actions. Il y a des femmes qui participent d’une manière différente, en aidant à organiser des choses, en travaillant sur la communication. Il y a plusieurs façons d’être Femen.

Le tome 1 de la BD Prénom Inna : Une enfance ukrainienne est sorti le 5 février. Qu’est-ce qui t’a donné envie de réaliser ce travail collectif qui parle de ton passé et de tout ce qui t’a forgée ?

Je voulais parler de mon expérience de vie en Ukraine indépendante au cours de la décennie de 1990 pour raconter cette première génération post-soviétique. Je m’inspire bien sûr de ma propre histoire mais il y a aussi des personnages inventés ou s’inspirant de personnes que je connais, et des scènes qui ne sont pas réelles. Je voulais raconter mon histoire mais aussi montrer des expériences de vie ignorées ou oubliées. Je voulais raconter cette période assez unique tout en parlant aux Français pour leur rappeler que leur bonheur doit être protégé, parce que dans d’autres pays, qui ne sont pas très loin d’ici, des gens souffrent d’oppression. J’avais envie d’emmener les lecteurs dans mon passé obscur pour leur donner envie de se battre pour un futur meilleur.

« Je voulais raconter cette période assez unique tout en parlant aux Français pour leur rappeler que leur bonheur doit être protégé. »

Le tome 2, qui sortira dans quelques mois, se concentre plus sur ce qui fait que je suis devenue activiste. Si je n’avais pas grandi dans cette société qui se battait pour sa propre dignité et son indépendance, je réalise aujourd’hui que je n’aurais pas fait les mêmes choix. Le lien est évident entre le combat de toute une nation pour sa propre dignité et son indépendance, et ce besoin de se libérer soi-même et de se battre pour sa propre dignité et sa propre indépendance en tant que femme.

Inna Shevchenko

Couverture du tome 1 de la BD Prénom Inna : Une enfance ukrainienne d’Inna Shevchenko (éditions Futuropolis)

De quoi as-tu envie pour l’avenir ?

Je fais déjà beaucoup d’autres choses que mon travail avec Femen. J’écris des articles, pour Charlie Hebdo par exemple, parce qu’à la base je suis journaliste, et je travaille sur d’autres projets qui s’inspirent de mon travail politique. Je sais clairement qu’à l’avenir je vais continuer à me battre parce que j’en ai besoin mais sous différentes formes. Je ne dirais pas aujourd’hui que je vais faire des actions topless jusqu’à mon dernier jour, mais je me battrai avec d’autres outils jusqu’au moment où mon activisme féministe n’aura plus aucun sens parce qu’il ne sera plus nécessaire. Je veux devenir une post-féministe dans une société post-patriarcale.

Y a-t-il des femmes qui t’ont inspirée et donné envie de faire ce que tu fais aujourd’hui ?

Oui, je leur ai dédié un livre entier l’an dernier qui s’appelle Héroïques ! Ce sont souvent des femmes assez controversées. Il y a par exemple Maria Botchkareva, une soldate russe de la première guerre mondiale qui a formé des bataillons de femmes et notamment un groupe de femmes pilotes qui se sont battues pendant la deuxième guerre mondiale contre les nazis. Être tué par une pilote russe était considéré comme la pire chose pouvant arriver à un soldat allemand.
Il y a aussi la poétesse et écrivaine ukrainienne Lessia Oukraïnka qui parlait 15 langues et écrivait en ukrainien alors que la langue était interdite par l’Empire russe. Malgré le risque d’être tuée, elle a publié illégalement ses textes et ses poèmes. Son vrai nom n’était pas Oukraïnka mais elle l’avait choisi pour souligner courageusement qu’elle était ukrainienne à un moment où son identité nationale était interdite.

« Je me souviens avoir compris qu’elle avait été tuée à cause de ça, parce qu’elle était puissante et que les gens qui avaient fait ça étaient des lâches. Beaucoup de choses ont bougé dans ma tête ce jour-là, ça a été une vraie prise de conscience. »

Et une de mes héroïnes récentes est la journaliste russe aux racines ukrainiennes Anna Politkovskaïa. Je me souviens très bien du jour où elle a été tuée. L’image de l’ascenseur plein de sang dans lequel elle avait été assassinée était sur toutes les chaines de télévision. C’était en 2006, j’étais adolescente, et je voulais savoir ce qu’elle avait fait pour être tuée si brutalement. C’était le jour de l’anniversaire de Poutine, le lendemain de l’anniversaire du président tchétchène Khadirov, et elle devait publier son reportage d’investigation sur les méthodes de torture en Tchétchénie. Je me souviens avoir compris qu’elle avait été tuée à cause de ça, parce qu’elle était puissante et que les gens qui avaient fait ça étaient des lâches. Beaucoup de choses ont bougé dans ma tête ce jour-là, ça a été une vraie prise de conscience.
Et parmi mes héroïnes, je n’hésite pas à le dire, il y a eu, à un moment précis, Ioulia Timoshenko. Pendant la Révolution Orange, je me souviens que c’était extrêmement important pour moi de voir une femme monter sur scène et parler devant les milliers de gens qui étaient là pour manifester. Elle est bien sûr depuis devenue un anti-héros, mais j’ai été très inspirée à ce moment-là par le fait de voir une femme parler avec puissance et représenter quelque chose pour toute la nation.
Et j’ai beaucoup d’autres héroïnes, des femmes de ma famille qui ont vécu des histoires fortes, ma mère notamment.

Y a-t-il des lectures qui t’ont particulièrement influencée ?

Quand j’ai rejoint Femen, j’ai dû lire un livre que les trois fondatrices avaient lu ensemble et qui avait forgé leur vision commune. Elles ne pouvaient pas se permettre de m’intégrer si je ne connaissais pas moi aussi le sujet. J’ai donc dû lire La femme et le socialisme d’Auguste Bebel. Il analyse comment la société patriarcale s’est installée, avec beaucoup d’idéologie. Une jeune femme ukrainienne n’a normalement pas accès à ce genre de choses. Ça m’a beaucoup marquée parce qu’en souffrant à cause de la difficulté de ce texte j’ai appris des choses qui m’ont montré que la culture patriarcale dans laquelle nous vivons est le résultat des efforts menés par certains groupes. J’en suis arrivée à la conclusion que nous sommes sûrement capables de faire le même effort pour reconstruire cette société et créer une autre culture.

« Les femmes étaient opprimées partout sauf au travail, la double peine était toujours là, mais bien cachée par la propagande prétendant que les femmes pouvaient tout faire et gagner autant que les hommes. »

Dans les premiers livres que j’ai lus en tant que féministe, j’ai aussi été marquée par un recueil de courtes biographies de femmes qui ont participé à la Révolution socialiste de 1917. On ne connait pas ces femmes qui ont contribué à la Révolution puis qui se sont parfois retournées contre Lénine lui-même. Je parle beaucoup de socialisme parce la Révolution socialiste a été très importante dans l’histoire de l’Europe de l’Est. A la fin de l’Empire, les seules féministes ont été celles de la révolution socialiste. Ensuite, c’est le pouvoir qui a imposé sa vision de l’égalité hommes-femmes. Il y avait l’égalité au travail mais c’est tout. A la sortie des usines, les femmes retournaient chez elles et s’occupaient de la cuisine, des enfants. Les femmes étaient opprimées partout sauf au travail, la double peine était toujours là, mais bien cachée par la propagande prétendant que les femmes pouvaient tout faire et gagner autant que les hommes. Après la chute de l’URSS, le marché du travail était détruit, le travail a disparu et tout le reste est ressorti.
Je pense aussi au livre de Christopher Hitchens, God is not great, qui m’a aidée à prendre conscience du danger des religions. J’ai grandi dans une famille religieuse et quand je suis devenue féministe j’ai dû faire face à un grand conflit. Comment être religieuse et respecter ma dignité et mon indépendance ? Ce livre m’a confortée dans le début de mon chemin vers l’athéisme.
Je suis aussi une grande fan de science-fiction mais plutôt classique. J’aime tous les livres de Boulgakov et particulièrement ses personnages féminins qui sont parfois dangereux mais jamais faibles.

Retrouvez Inna Shevchenko sur sa page Instagram @innafemen

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Inna Shevchenko

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