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Rencontre avec Celia Nkala, artiste plasticienne

« La dimension mystique vient du fait que j’utilise beaucoup d’archétypes, des formes ou des objets qui ont un contenu symbolique fort. Des images qui trouvent une résonance et qui parlent à l’inconscient. »

16 octobre 2019

Celia Nkala

Photo : Celia Nkala – Crédit : CHANTAPITCH

J’ai rencontré Celia en classe de stylisme design textile. Nous avions 18 ans, elle avait un univers très personnel, mature et assez mystique. Elle était déjà un peu à part. Brillante et très impliquée dans son travail, elle a toujours eu un besoin viscéral de créer.
Quand nous avons choisi la couleur « Noir Mystère » pour notre éditorial d’octobre, j’ai tout de suite pensé à Celia car ses créations peuvent être sombres, inattendues et mystérieuses. Elle est aujourd’hui artiste plasticienne et est régulièrement exposée dans des galeries parisiennes. En mars dernier, elle a participé à « Capture Beauty », la toute première exposition de la communauté féminine et culturelle Wise Women à la Villa Rose. Elle expose en ce moment à la galerie Da-end à Saint-Germain. Même si nous sommes amies depuis 17 ans, Celia reste pour moi aussi fascinante qu’impalpable. Je suis donc allée la déranger dans son atelier du 20ème arrondissement pour lui poser quelques questions et la titiller sur ce qui l’anime.

Tu as fait des études de design textile, tu as travaillé chez Christian Lacroix, puis tu as créé et géré une galerie d’art dans le 5e arrondissement de Paris. Aujourd’hui, tu es artiste plasticienne à temps plein. Peux-tu nous expliquer un peu ton parcours ?

De toute évidence ce n’est pas un parcours en ligne droite, mais je crois qu’il répond à une certaine logique. Je suis progressivement passée de la mode, donc des Arts appliqués, aux Arts plastiques car j’avais besoin de donner du sens à ma production, d’aller vers quelque chose de plus libre et de plus personnel. Cela signifie remettre en question la notion de commercialité et même celle d’« utilité », abandonner une forme de confort aussi…
J’ai porté la double casquette d’artiste/galeriste pendant quelques années mais cette galerie (Perception Park) ressemblait davantage à un espace d’exposition qu’à une galerie traditionnelle. C’était une structure très légère, un peu expérimentale, une étape. J’avoue que le marché de l’art ne m’a jamais vraiment intéressée.
Je dirais donc que mon parcours est un mélange d’évolution personnelle et d’opportunités saisies. Je suis curieuse et intuitive, je travaille toujours avec cœur sans jamais me fixer de limites ni même d’obligation de résultat. Cela donne une grande liberté. Aujourd’hui, je me consacre à ma production artistique mais rien n’est figé. Les expériences s’additionnent, les disciplines se complètent et je ne ferme jamais les portes de manière définitive.

Celia Nkala

Eternel retour IV, 2017

Marbre, cendre, laiton
Diam 30cm

Je sais que tu produis beaucoup d’œuvres depuis presque 3 ans, ce mois-ci tu es exposée à la galerie Da-end à Saint-Germain dans le 6e. Réalises-tu toujours une œuvre en vue d’une exposition ou bien crées-tu en permanence dans ton atelier du 20e ? Raconte-nous un peu comment s’organisent ton travail et ton processus créatif.

Concernant mon processus créatif je peux distinguer 2 ou 3 temps, avec de multiples aller-retours. Il y a un moment d’observation, de recherches ou d’inspiration. Chez moi, cela prend souvent la forme d’une collecte d’objets ou de matériaux divers, dans la rue, aux enchères, à peu près n’importe où. Cela peut être un morceau de plastique sans qualité mais dont je trouve la forme intéressante, ou un objet plus rare comme une carapace de tortue ou un tapis ancien que je vais mettre plusieurs semaines à trouver. Une fois les éléments ramenés à l’atelier, il y a une phase au cours de laquelle il faut construire, trouver une forme, une expression, une résonance. Puis, selon les projets, il y a une étape plus ou moins longue de production ou de finitions. Mais rien n’est planifié à l’avance. A l’atelier je n’essaye pas de rationaliser les choses, je travaille souvent sur plusieurs projets en même temps, de manière très libre et sans me soucier de savoir si les pièces seront exposées un jour. D’ailleurs, beaucoup de choses sont mises de côté.
Avec le temps, il y a des thématiques qui deviennent récurrentes, qui se développent. Il y a des matériaux avec lesquels je me découvre davantage d’affinités, ce qui amène une certaine maîtrise technique. C’est un fil qui se déroule.
Dans le même temps, je réponds à des commandes, des invitations à exposer autour de thèmes définis, ou dans un contexte qui va orienter ma production initiale. Ce sont des moments nécessaires durant lesquels je suis obligée de structurer mon travail.

Celia Nkala

Objets présents (Mélancolie IV), 2019

Charbon cendres, cire
Diam 30cm

Pour moi tes œuvres sont très esthétiques et expriment depuis toujours une beauté radicale empreinte de mystère et mysticisme. Quelles sont tes sources d’inspiration ?

La dimension mystique vient du fait que j’utilise beaucoup d’archétypes, c’est à dire des formes ou des objets qui ont un contenu symbolique fort. Par exemple l’œuf, la sphère, le miroir ou la cendre ont une symbolique universelle, il n’y pas vraiment besoin d’explication. Ce sont des images qui trouvent une résonance et qui parlent à l’inconscient, quelque soit l’âge ou la culture du regardeur.
Ensuite, je ne cherche pas à faire quelque chose de « beau » mais j’ai besoin d’une certaine harmonie, d’un équilibre entre le sens d’une pièce et sa forme. Il faut que la lecture soit fluide. L’esthétique est aussi une porte d’entrée dans l’appréhension d’une œuvre parce qu’il y a une force de séduction, un impact immédiat. Une œuvre peut avoir une dimension décorative, ce n’est pas forcément péjoratif. Mais il y a toujours plusieurs niveaux de lecture et c’est cela qui donne à l’objet toute son épaisseur.

Tu manipules et expérimentes beaucoup de matériaux très différents comme la terre, la cire, la cendre, la feuille d’or… Presque comme s’ils étaient sacrés pour toi. Quel est ton rapport avec les matériaux que tu utilises, comment les choisis-tu ?

Cela commence souvent comme un jeu : il y a un attrait spontané pour le matériau, une curiosité, une envie de le comprendre ou simplement de le manipuler. Partant du principe que chaque matériau exprime quelque chose, il n’y a pas vraiment de hasard dans mes choix. La cire, par exemple, a quelque chose de charnel par sa couleur et sa densité. C’est un matériau très plastique mais aussi très instable, elle se consume : cela nous ramène à l’idée du temps qui passe, à la mélancolie ou au principe de vanité… La terre végétale évoque quelque chose de plus brut, on pense tout de suite aux arts premiers, au monde dans sa globalité. Il y a aussi une idée de pureté et de fertilité. Chaque matériau fait écho à une problématique qui m’intéresse et qui va orienter mon geste et ma production. Mais ce processus se fait de manière intuitive, le sens apparaît au fur et à mesure. Parfois même beaucoup plus tard, quand la pièce est finie. Ce n’est pas aussi cérébral que je peux le décrire.

Celia Nkala

Etude des premiers principes (La Création), 2017

Livre, Sphalérite sur Marcassite
20 x 25 cm

De l’extérieur, le milieu de l’Art contemporain semble très particulier, fermé, minuscule et plutôt masculin. Peux-tu nous en parler ?

Le monde de l’art côté « marché », comme tous les marchés d’ailleurs, est effectivement très élitiste et majoritairement masculin. A mon niveau, cela reste abstrait donc je ne m’en soucie pas beaucoup. En tout cas, pas pour l’instant.
Mon quotidien c’est d’abord l’atelier qui, par définition, est le lieu de tous les possibles ! Le monde de l’art côté création, est porté par des gens passionnés et sensibles, qu’ils soient artistes, critiques, galeristes ou collectionneurs. Cela signifie aussi qu’il y a une certaine rigueur, une exigence intellectuelle ou en tout cas, une certaine précision. D’où peut-être l’impression, vu de l’extérieur, d’un monde un peu fermé. Mais il est tout à fait possible de prendre les choses simplement, et la porte des galeries est toujours ouverte. Me concernant, c’est dans l’art que j’ai trouvé la plus grande ouverture d’esprit et la plus grande liberté d’expression.

Celia Nkala

Vue de l’atelier

Qui sont les femmes qui t’inspirent ?

Je suis entourée de femmes qui ont des personnalités et des modes de vie très différents du mien. Je n’ai pas pour habitude de faire beaucoup compliments, alors c’est peut-être le moment de citer la légèreté de Jill, la pugnacité de Cynthia, la sérénité de Clio, la rigueur de Fanny et de Florence, la désinvolture de Lia… Entre autres ! Ma mère aussi qui – après une reconversion et à plus de 60 ans – débute une carrière de sophrologue avec beaucoup de succès. Je trouve ça rassurant de voir qu’il est toujours possible de se réinventer, que les choses ne s’arrêtent jamais vraiment.

Quelle est ta couleur préférée et pourquoi ?

Le noir pour la manière dont il absorbe et renvoie la lumière, ce qui en fait plus une matière qu’une couleur. Ou à l’inverse le blanc. Parce que c’est un support, une page blanche.

Retrouvez le travail de Célia Nkala sur 

Celia Nkala

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