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Inès Leonarduzzi, pour un numérique responsable

Les confidences de la fondatrice de Digital for the Planet

9 janvier 2020

Inès Leonarduzzi

Crédit : Ines Leonarduzzi

Experte en stratégie numérique ayant fait ses armes dans des grandes entreprises, Inès Leonarduzzi a vite eu envie de faire bouger les lignes. Entrepreneuse dans l’âme, elle a fondé en 2017 « Digital for the Planet », la première initiative mondiale pour l’écologie digitale visant à sensibiliser entreprises, institutions et citoyens et à développer des solutions numériques d’énergies propres.

Loin d’être fatalistes, Inès et son ONG portent l’espoir de pratiques plus respectueuses. Un rêve qu’elle défend au quotidien dans son travail et dont elle dépeint les multiples facettes dans son premier livre à paraître en mars aux éditions Allary. A seulement 32 ans, venant tout juste de devenir maman, Inès a des envies et des projets à revendre. Une rencontre positive et inspirante.

LOGO DIGITAL FOR THE PLANET

Inès, tu as créé Digital for The Planet il y a 3 ans. Peux-tu nous parler de ton parcours et de ton métier ?

Mon parcours est particulièrement incohérent (rires). J’ai commencé par étudier les Lettres à la fac, puisque la littérature est mon premier amour, et dans le même temps, je passais un diplôme universitaire de Chinois mandarin avant de partir étudier l’Art à New York, ce que j’ai adoré. C’est en étant là-bas que j’ai découvert la New School of New York où, sur mon temps libre, je suivais des cours d’économie alternative. C’était passionnant ! J’ai ensuite monté ma première start-up à Hong-Kong avec deux amis. Puis je suis rentrée en France, j’ai réétudié le management en parallèle de premiers jobs puis débuté ma carrière en entreprise, au sein de grands groupes en France. J’y ai beaucoup appris mais la structure de l’entreprise classique ne me convenait pas vraiment. J’avais besoin de m’exprimer davantage. J’ai quitté ce monde et me suis mise alors à l’entrepreneuriat en m’essayant sur plusieurs projets : la formation dans le numérique, le fooding en montant un brunch clandestin chez moi, un magazine en ligne de haute culture féminine qui d’ailleurs a été un vaste échec mais aussi une incroyable expérience, la création d’un réseau de femmes entrepreneures… avant de lancer Digital for the Planet il y a 3 ans.

Au sein de Digital For The Planet, nous démocratisons les enjeux de l’écologie numérique auprès du plus grand nombre, en touchant les grandes entreprises, le gouvernement mais aussi tous les citoyens, que ce soit des enfants ou des entrepreneurs. Au sein de l’équipe R&D, nous travaillons sur le développement de solutions numériques bas carbone afin de proposer les produits les moins impactants d’un point de vue environnemental et social, essentiellement dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la blockchain. En gros, Digital For The Planet a pour but de proposer un numérique plus responsable et plus durable. Nous avons été la première initiative au monde sur ce sujet, c’est une grande fierté quand on voit qu’aujourd’hui les entreprises en parlent toutes.

Comment définis-tu l’écologie numérique ?

C’est l’étude de la relation entre l’humain, l’environnement et la machine. Et toutes les solutions qu’on peut trouver pour que cette relation soit la plus positive possible.

Inès Leonarduzzi

Crédit : Lucie Sassiat

Quel est ton travail au quotidien ?

C’est très difficile de définir une fonction quand on est CEO et fondateur : tout est à faire, il faut à la fois donner du temps aux micro-détails et nourrir une vision qui porte loin. Et aussi savoir manager une équipe, ce qui prend beaucoup de temps et demande de l’humilité. J’ai des journées très denses. Au quotidien, je m’assure que notre carnet de commandes ne prend pas de retard, je prends connaissance des demandes clients entrantes. Ensuite, je fais un point qui peut prendre du temps sur les sujets R&D et les projets en cours, je m’assure que nos partenaires business et les research partners — avec qui nous développons nos solutions — soient dans le bon rythme et qu’ils aillent bien. À midi, je déjeune souvent à l’extérieur ou reçois dans nos bureaux pour rencontrer des personnes qui travaillent sur des sujets connexes, des personnes qui peuvent aider l’initiative à aller plus loin. Je passe beaucoup de temps à rencontrer des gens, c’est très important quand on est entrepreneurs. Ensuite, je réponds aux mails — mais mon assistant m’aide beaucoup en filtrant, car j’en reçois énormément : presse, médias, collaborations, conférences, rencontres… Une fois par semaine, nous réalisons un point sur les finances, les dépenses, les recettes et la stratégie. Régulièrement, je rencontre des parlementaires : l’idée est de pousser nos sujets le plus loin possible sur le plan législatif. Il m’arrive aussi de passer des séances en ministère pour travailler sur des sujets spécifiques aux enjeux numériques. Plus généralement, je m’occupe des tâches courantes inhérentes à tout fonctionnement d’entreprises comme les RH, les payes, etc… même si mon équipe m’aide beaucoup ! J’ai de la chance. Mon travail est hybride entre l’opérationnel, la recherche, la production, les relations publiques, le management et le lobbying.

Où en est aujourd’hui en France le digital écoresponsable ?

Quand on a commencé il y a 3 ans, c’était un sujet quasi inexistant, absolument pas démocratisé. L’émergence du sujet coïncide vraiment avec la création de Digital for the Planet. Nous avons montré qu’on pouvait faire bouger les lignes en étant une toute petite start-up, ce qui est vraiment notre plus grande fierté. J’ai commencé seule et aujourd’hui nous sommes une dizaine, nous avons des partenaires dans 4 pays. Cette présence à l’international est importante car nous pouvons relayer nos messages en Angleterre, aux États-Unis, en Afrique du Sud et en Asie. En France, des lois sont en cours d’élaboration et je participe aux débats, ce qui représente un grand pas en avant. Le fait que le législatif bouge est en effet un signe très positif, même s’il faut souvent du temps pour qu’une loi puisse avoir un impact concret au quotidien. On a donné plus de 300 conférences en France et à l’étranger, sur tous les continents. En le disant, je réalise à quel point on a travaillé dur. On collabore aujourd’hui avec une trentaine de grandes entreprises et une cinquantaine de start-ups et de PME qui opèrent leur virage vers l’écologie numérique en réalisant des efforts pour réduire leur impact carbone et leurs activités numériques. Ce sont des indicateurs de performance qui montrent que l’écologie numérique a fait un très bon chemin en 3 ans.

« On collabore aujourd’hui avec une trentaine de grandes entreprises et une cinquantaine de start-ups et de PME qui opèrent leur virage vers l’écologie numérique en réalisant des efforts pour réduire leur impact carbone et leurs activités numériques. »

Inès Leonarduzzi

Je crois aussi que ton premier livre va sortir en mars 2020 aux éditions Allary. Peux-tu nous en parler ?

Oui, bien sûr. Mon livre va porter sur tous mes travaux liés à l’écologie numérique. Il parle de la pollution numérique environnementale, mais pas seulement. Je vais beaucoup plus loin avec des choses que je n’ai jamais dites dans les médias ou en conférences. J’y ai intégré énormément d’anecdotes historiques, scientifiques, économiques, mais aussi des anecdotes liées à mon parcours personnel et professionnel. C’est un livre que j’écris depuis 3 ans. Ça a été un régal même si c’est un processus qui demande de l’endurance et de la persévérance.

Quels conseils donnerais-tu à une femme qui veut créer son entreprise et plus particulièrement dans le digital ?

Le premier conseil que je donnerais à quelqu’un qui souhaite entreprendre dans le digital serait d’être sûr de répondre à un enjeu sociétal et de bien commun. Aujourd’hui, le numérique doit servir des causes nobles. Par exemple, je ne suis pas sûre que développer une application qui va permettre de ne pas renverser son smoothie quand on est en train de faire du yoga réponde à une vraie nécessité pour le monde. C’est donc cette recherche d’une cause noble qui est importante dans le digital car aujourd’hui le numérique est en train de tuer le numérique.
Ensuite, je conseillerais à une femme qui entreprend de bien s’entourer, de savoir qui est à ses côtés, de travailler avec des personnes ayant des compétences rejoignant les siennes, et surtout de ne pas s’excuser d’être là. C’est important d’assumer le fait que parfois on pourra déranger, que parfois les gens seront très heureux de nous voir, mais que, dans l’un ou l’autre cas, cela n’a rien de personnel, et d’observer ce travers comme un phénomène de foire. Il faut apprendre à dédramatiser. Enfin, je lui conseillerais de rêver grand : souvent les femmes se font plus petites qu’elles ne le sont et elles ne devraient pas, car en réalité elles sont bien plus grandes qu’elles ne l’imaginent. J’aime collaborer avec les hommes, mais j’adore collaborer avec les femmes !

Qu’est-ce qui te fait envie aujourd’hui ? As-tu d’autres projets ?

Oui, j’en ai plein ! J’ai eu la chance de voyager dans de nombreux pays quand j’étais au début de ma carrière, mais j’ai encore envie de voyager. Je suis maman depuis peu, et je savoure chaque instant. Quand je regarde mon fils, j’ai mille envies qui me viennent. Il me donne encore plus l’envie de me surpasser, de me surprendre. J’ai très envie d’écrire encore des livres. J’ai plein d’idées et de projets entrepreneuriaux et artistiques qui me trottent dans la tête. Je suis une adepte du fait qu’il est possible d’avoir plusieurs vies et c’est quelque chose que je m’autoriserai dans la mesure du possible.

Qui sont les femmes qui t’ont inspirée et donné envie de faire ce que tu fais aujourd’hui ?

C’est une question à laquelle j’ai toujours du mal à répondre parce qu’il y a très peu de femmes issues de la diversité et que cela a un peu freiné mon processus d’inspiration. Mais, au quotidien, je rencontre beaucoup de femmes inspirantes. Je pourrais citer Sarina Lavagne, la fondatrice de Prescription Lab, une entrepreneure qui me donne beaucoup de force par sa façon d’être très chic dans son cœur et sa façon de gérer son entreprise. Quand je rencontre des difficultés, je me demande souvent ce que ferait Sarina. Je pense aussi à des femmes comme Angélique Gérard, la directrice générale de Free, qui fait preuve d’un grand sens de la sororité et me donne encore plus envie d’en faire autant, et à Maud Bailly, énarque cheminote à la SNCF devenue CDO du groupe ACCOR. Elle arrive à rire tout le temps, à faire rire ses collègues, à faire des blagues sur elle-même et à dédramatiser son niveau de poste. Malgré son emploi du temps, elle donne beaucoup de son temps à des associations pour les jeunes femmes mais aussi les jeunes des territoires. Elle donne la sensation qu’il est possible d’arriver tout en haut de l’échelle. Et ça c’est important.

Inès Leonarduzzi

Crédit : Ines Leonarduzzi

Y a-t’il des lectures qui t’ont particulièrement influencée ?

Je dirais même que la lecture m’a construite. La vie est plus douce pour celle ou celui qui lit. Et puis on voyage sans bouger d’un fauteuil, avec un bon livre. En livres qui m’ont marquée, je commencerais par L’Odyssée d’Homère, ce livre sur le voyage initiatique est juste une part de ma construction en tant que femme. Ce livre est aussi la raison pour laquelle mon fils se prénomme Ulysse. La Ferme des animaux de George Orwell. Tout le monde connaît 1984, mais ce roman court raconte comment les animaux se rebellent et chassent les hommes. Anna Karenine de Tolstoï : un chef d’œuvre de la littérature russe, ou de la littérature tout court et qui parle si bien de l’amour tel qu’il est aujourd’hui. L’invention de la Nature de Andrea Wulf, bien-sûr, et tous les livres de Henry David Thoreau.
J’ai aussi un faible pour la poésie, particulièrement la poésie allemande et arabe. Les poèmes de Rainer Maria Rilke, ceux qui parlent d’amour surtout : ceux-là sont fabuleux et ont cela pour eux de m’apaiser. Les Poésies d’amour est un recueil de poèmes de Rilke portant exclusivement sur l’amour : c’est un livre qu’on devrait toujours avoir sur soi. La poésie d’Adonis aussi, ou encore celle de Ounsi El-Hajj. Il m’est arrivé de m’enfermer des weekends entiers dans ses poèmes.
L’économie des inégalités de Thomas Piketty et The Value of Everything de l’économiste Marianna Mazzucato ou encore le fabuleux roman La Grève d’Ayn Rand ; ceux-là m’ont aidée à mieux comprendre et appréhender le monde. Le cycle des Robots d’Isaac Asimov, une série de plusieurs romans et nouvelles reprenant les trois lois universelles de la robotique. Enfin, La Femme est l’avenir de l’Islam de la danoise Sherin Kankhan, première femme imame d’Europe, pour mieux comprendre la culture musulmane et comment celle-ci évolue. Un livre profondément universel et spirituel. Étant d’origine chrétienne et musulmane et à l’heure où peu connaissent véritablement cette religion, ce livre a énormément résonné en moi mais aussi en tous ceux à qui je l’ai conseillé, de confession musulmane ou non. Je pourrais en citer tellement… Je m’arrête là.

Ton mot de la fin « nature » pour clore cette interview ?

J’ai été élevée par mon beau-père, qui fut footballeur professionnel et grand amateur de tennis. Comme il m’a transmis le goût du sport et une bonne connaissance des grandes figures du domaine, je citerais Stefan Edberg, l’ancien champion de tennis suédois : « Quand l’homme n’aura plus de place pour la nature, peut-être la nature n’aura-t-elle plus de place pour l’homme ».

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