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Dans les coulisses de la marque de mode éthique Les Récupérables

RENCONTRE AVEC ANAÏS DAUTAIS WARMEL, LA FONDATRICE DE CETTE MARQUE DE MODE ETHIQUE ET RESPONSABLE

28 février 2019

Les récupérables - ANAÏS DAUTAIS WARMEL

« Le jaune est une couleur que j’ai beaucoup utilisée dans mes collections. C’est ma couleur préférée pour faire rayonner une mode plus juste ! C’est une couleur emblématique de cette mode responsable car c’est la couleur impériale du soleil et de ses rayons. »

Anaïs Dautais Warmel a créé en 2014 Les Récupérables, des mini collections de vêtements réalisés en France exclusivement, à partir de tissus déjà existants (récupérés dans des ressourceries, des relais…). Une démarche osée qui nous a donné envie de rencontrer cette femme !

(Crédit : Les Récupérables)

Quel métier voulais-tu faire quand tu étais petite ?

Je voulais être star de cinéma, metteur en scène ou juge, c’est d’ailleurs un peu ce que je fais finalement sous d’autres aspects !

Qu’est-ce que t’ont transmis les femmes de ta famille ?

Ma mère m’a transmis l’ouverture sur le monde, le « non jugement » et la valeur de l’effort (elle est psychanalyste.
Ma grand-mère m’a aussi transmis la valeur de l’effort et l’impartialité. Elle m’a aussi beaucoup appris à économiser : économiser les ressources, les matières… Elle avait connu les restrictions post-guerre et me faisait toujours réutiliser les choses. Elle me disait souvent : « Nani, as-tu fait tes soustractions ? » et aujourd’hui je me dis que c’est ce que je fais : « l’économie par la soustraction ».
Le fait par exemple d’avoir le moins d’impact possible sur l’environnement et de ne pas reproduire de la matière, quelque part c’est de la soustraction !

Quel a été ton parcours avant de créer Les Récupérables ?

Je devais faire une prépa pour me diriger soit vers Sciences Po soit vers HEC mais j’ai refusé. J’avais été convoquée dans le bureau du proviseur qui m’avait dit « Mademoiselle, vous roulez comme une deux-chevaux alors que vous avez un moteur de Ferrari » et je lui avais répondu « Écoutez, Monsieur, moi je suis une grande nostalgique, je préfère la deux-chevaux ». J’étais plutôt rebelle, j’ai eu une enfance un peu spéciale, un peu trash et du coup je ne voulais pas rentrer dans le moule, et donc pas faire de prépa.

J’ai alors décidé de m’inscrire à la fac pour renouer avec mes origines en étudiant l’anglais, l’espagnol et le portugais car ma mère est espagnole-portugaise. J’ai aussi choisi « civilisation américaine » car je trouvais ce continent exaltant avec tous ses paradoxes, des États-Unis à l’Amérique latine. J’avais envie d’apprendre les richesses d’autres pays. J’avais des cours sur le choc des civilisations, des cours de commerce, de comptabilité, de droit… Tout ça m’allait bien !

Puis je suis allée finir mes études au Brésil et là-bas j’ai plutôt fait la teuf, du stop, dormi chez l’habitant… J’ai choisi d’aller vraiment à la rencontre des Brésiliens plutôt que de rester dans un confort d’Européen expat. C’était très roots, j’étais en mode dreadlocks et sac à dos.

Et je suis rentrée à Nantes pour poursuivre mon master en commerce international et en langues. Ensuite j’ai voulu être journaliste et j’ai débarqué à Paris par un concours de circonstances pour bosser pour le Festival de Cannes. J’ai commencé par travailler au service presse, j’ai essayé d’être RP, puis je suis devenue assistante de production. A l’époque j’organisais pas mal d’événements culturels. En parallèle de tout ça je travaillais dans les fripes et, comme j’avais aussi envie d’être comédienne, je faisais l’habilleuse pour les pièces de théâtre de mes amies mais également pour des clips et des courts métrages dans lesquels je jouais parfois !

Les récupérables

 Les Récupérables – Crédit photo : Lucie Sassiat

Qu’est-ce qui t’as décidé à créer ta propre entreprise ?

Le déclic s’est fait en deux temps. Quand je travaillais dans les boutiques vintage du Marais, je voyais déjà arriver beaucoup de vêtements mais ce job n’avait pas assez de sens pour moi car le but de ces boutiques était juste de faire du cash. Je suis alors allée frapper à la porte des ressourceries et c’est dans ces lieux que j’ai commencé à découvrir l’apport volontaire des citoyens, les quantités de tissus que les gens apportaient… La prise de conscience était là. J’avais besoin de temps donc j’ai demandé à la ressourcerie de la Petite Roquette de m’ouvrir une petite boutique, ce qu’ils ont fait : j’allais chiner les plus belles pièces à la ressourcerie et je les vendais ensuite dans cette boutique.

A la ressourcerie, j’ai vu arriver des kilotonnes de textile, environ 300 kilotonnes par jour. A ce moment-là j’ai vraiment réalisé qu’il y avait un problème dans l’industrie du textile, dans son écosystème, et je me suis interrogée sur le pourquoi. Ça veut dire que les fringues sont de mauvaise qualité, que les gens s’en lassent, qu’il y a une accélération du rythme de production, de consommation et un vrai problème d’obsolescence programmée.

Mais pourquoi je me suis lancée ? Parce que je crois que j’ai toujours été entrepreneuse mais on ne s’en rend pas tout de suite compte. Et il a aussi fallu que les étoiles s’alignent… J’ai évidemment eu un peu peur de me barrer de ma petite boutique hyper confortable où je faisais ce que je voulais de ma journée tout en faisant un bon chiffre d’affaire (c’est à dire égal, c’est une asso donc il n’est pas nécessaire de faire du bénéfice). Mais je pense que j’ai toujours eu la notion de produire quelque chose et d’en mesurer l’impact (je crois que c’est encore ma grand-mère qui m’a appris ça !), donc du jour au lendemain j’ai demandé une rupture conventionnelle (vive la France !) pour monter Les Récupérables. J’avais un peu de back-up car je ne suis pas totalement inconsciente non plus, ce qui m’a permis d’avoir un peu de temps pour aller chiner les textiles et trouver une bonne modéliste pour réaliser mes modèles.

L’entreprenariat s’est beaucoup développé ces dernières années. Quels conseils donnerais-tu aux femmes qui veulent se lancer ?

Surtout « il faut faire » car ça ne sert à rien de se poser 10 milliards de questions. Il faut faire, il faut se planter et il faut se relever.

Il faut toujours se relever, c’est le principe même de l’entreprenariat. En fait, l’échec est toujours positif, ça peut paraitre idiot mais quand il y a quelque chose qui ne marche pas, même si c’est violent, ça nous permet alors de mieux définir ce qu’on veut vraiment faire. S’il n’y a pas d’échec, il n’y a pas de progression. L’entreprenariat c’est la gestion des problèmes, des petits échecs au quotidien, et il faut savoir relativiser chaque problème. Pour contrebalancer il faut faire du yoga, avoir des amis, une famille et un mec ou une meuf.

Il ne faut pas non plus avoir peur du travail permanent car quand on est entrepreneur ça ne s’arrête jamais ! Moi je n’ai pas l’impression de travailler car c’est de la passion et quand on est son propre patron il n’y a qu’avec soi-même qu’on peut s’engueuler. C’est bien d’avoir un associé mais c’est bien aussi de se construire tout seul au début parce que du coup on a une vraie identité.

Ce n’est pas trop difficile de faire fabriquer des vêtements en France en toute petite série – les coûts de fabrications étant très élevés ?

C’est difficile mais pas insurmontable : c’est juste une histoire de calcul et de prix assez juste, il faut se retrousser les manches et foncer dans le tas !

Quels sont tes tissus de rêve ?

Ce sont les tissus à fleurs vintage qui sont dessinés comme des tableaux ! Ça peut être des fleurs imprimées, des jacquards… En fait je suis dingue de la précision des anciens imprimés floraux.
C’est souvent sur les rideaux que j’achète auprès du relais que je trouve les plus jolis dessins de fleurs, ceux qui me font rêver.

Et je suis aussi complètement fan du bleu de travail, j’ai la chance de pouvoir en acheter auprès de Tdv industrie qui fait la filature, le tissage et le bleu de travail qui devient ce fameux Work wear. Avec ça je m’éclate ! Comme avec le bleu azuré qui est sur mon bomber ou le bleu Bugatti qui est sur le pantalon. Ce sont d’ailleurs des pièces qui fonctionnent super bien.

Les récupérables

 Les Récupérables – Crédit photo : Lucie Sassiat

Quelle sont les femmes qui t’inspirent ?

Elsa Schiaparelli pour sa relation avec les surréalistes et le fait de concevoir le vêtement comme objet d’art et de révélation au monde.
Vivienne Westwood pour son engagement, sa punk attitude et son refus de se complaire dans le conventionnel, donc son militantisme de fait.
Et en termes d’entrepreneuriat, ce serait Mercedes Erra qui a créé BETC la plus grosse agence de com française et européenne.

Quel est ta couleur préférée ?

Difficile de choisir. J’aime plutôt les couleurs vives, le mélange des opposés, j’aime créer comme un peintre avec sa palette.
Le jaune est une couleur que j’ai beaucoup utilisée dans mes collections. C’est ma couleur préférée pour faire rayonner une mode plus juste ! C’est une couleur emblématique de cette mode responsable car c’est la couleur impériale du soleil et de ses rayons !
J’aime aussi le vert émeraude assez profond, le rouge vif années 50 et le bleu Klein.

Les récupérables - ANAÏS DAUTAIS WARMEL

 Anais Dautais Warmel – Crédit photo : Lucie Sassiat

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