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Petit Guide de la Masturbation Féminine

JULIA PIETRI SE BASE SUR DES MILLIERS DE TEMOIGNAGES POUR ÉCRIRE UNE ODE À LA LIBERTÉ ET AU PLAISIR FÉMININ

10 avril 2019

Petit guide de la masturbation féminine

Julia Pietri, connue pour avoir tapissé les murs des villes de portraits colorés de Simone Veil et de clitoris aux couleurs acidulées, a écrit un Petit Guide de la Masturbation féminine à partir de milliers de témoignages. Celle qui estime que la diffusion collective est le meilleur moyen de s’émanciper de l’analphabétisme sexuel a pour objectifs de démocratiser la véritable anatomie du clitoris, de libérer la parole des femmes, de casser les mythes de l’orgasme vaginal mais aussi les idées reçues sur la frigidité. Elle a donc décidé d’écrire une ode à la liberté et à la sororité en considérant le clitoris comme une arme. Parce qu’une femme qui se masturbe sans se culpabiliser est une femme libre, parce qu’une femme qui connaît son corps et sa sexualité est une femme puissante, parce qu’une femme qui parle librement de masturbation est une femme qui n’a pas peur.
On vous conseille la lecture du livre que Julia a choisi d’auto-éditer car les maisons d’édition qui avaient soutenu son projet refusaient de laisser apparaître le mot « masturbation » sur la couverture : un livre à la couverture bleu électrique qui a déjà été vendu à 3 000 exemplaires grâce à une campagne de financement participatif et qui est d’ores et déjà en cours de réimpression.

(Photo de Julia Pietri – Crédit : Fernando Eichenberg)

Julia, quel est ton parcours, qu’est-ce qui t’a donné l’idée d’écrire ce Petit Guide de la Masturbation féminine ?

J’organise des campagnes d’éducation populaire sur l’art, l’amour et le féminisme, pour créer des porte-ouvertes au militantisme, mais aussi pour casser l’entre-soi du milieu féministe, pour parler à tout le monde, vulgariser, démocratiser des valeurs qui, pour moi, restent trop souvent dans ce microcosme. C’est la campagne « Merci Simone », pour laquelle j’ai passé beaucoup de temps dans la rue à coller des affiches l’année dernière, qui m’a permis de rencontrer d’autres femmes street artistes et notamment le groupe des Wonder Clito. Ces femmes, qui n’étaient pas de ma génération puisqu’elles ont une cinquantaine d’années, collaient des affiches de clitoris en Bretagne. Et, à titre personnel, cela faisait seulement quelques mois que j’avais découvert la véritable anatomie du clitoris, avec ses parties interne et externe. Je me suis alors dit que beaucoup de femmes ne devaient pas avoir accès à cette information. J’ai eu envie de creuser la question et je suis tombée sur des dates choc comme l’année 1998 qui correspond à la redécouverte de l’anatomie du clitoris par la médecine contemporaine.

Puis, au-delà de l’anatomie, au-delà des retards dans la recherche en médecine, j’ai commencé à envisager le clitoris par rapport au plaisir de la femme. Et je me suis dit qu’il était très étrange que cette redécouverte anatomique soit si récente alors que l’excision, elle, existe depuis toujours. On a par exemple retrouvé des momies excisées et on sait qu’aux quatre coins du monde les gens se sont donnés le même mot : « il y a un organe qu’on va leur couper ». J’ai donc réalisé qu’on connaissait le clitoris depuis des millénaires, qu’on savait qu’il était responsable du plaisir de la femme et que ce qui dérangeait n’était pas l’organe en tant que tel mais le plaisir sexuel des femmes. Et j’ai décidé d’aborder ce plaisir à travers la masturbation, c’est-à-dire le sexe avec soi-même, parce que c’est un sujet qui reste très tabou. On parle beaucoup de sexe dans notre société, entre copines par exemple on va parler de nos mecs, de nos plans cul, mais on parle beaucoup moins, voire peu, voire pas du tout de masturbation. C’est pour cela que je me suis dit que c’était représentatif, que le clitoris avait été une arme depuis la nuit des temps pour mutiler et asservir les femmes, et qu’aujourd’hui il fallait l’envisager comme une arme de féminisme, un outil d’émancipation, qu’avant on parlait à notre place et qu’aujourd’hui on allait se réapproprier la parole. J’ai donc voulu faire un livre participatif reposant sur des témoignages, un livre sans experts ni médecins parlant à la place des femmes.

Couverture du livre Le Petit Guide de la Masturbation féminine de Julia Pietri

Petit guide de la masturbation féminine

Peux-tu nous parler de ces milliers de témoignages que tu as recueillis et de la façon dont tu les as organisés ?

J’ai recueilli plus de 6000 témoignages en un mois et je continue à en recevoir. Je ne demandais ni l’orientation sexuelle, ni l’identité genrée, ni l’âge. Tout le monde pouvait répondre à condition d’avoir un clitoris. Les témoignages sont anonymes, ce sont des récits d’expériences, de ressentis, sans âge, sans prénom, pour que tout le monde puisse s’y retrouver. L’idée de mon livre n’est pas de dire que tout le monde doit parler de sa masturbation, mais de présenter la masturbation comme une sexualité aussi importante que le sexe partagé pour l’être humain, pour les hommes comme pour les femmes, et de libérer une parole qui a longtemps été bridée pour que chacun puisse par la suite faire son propre chemin.
Je voulais aussi casser l’image érotisée de la masturbation féminine, l’idée que les femmes le faisaient pour autrui, parce que c’était érotique dans le porno par exemple de voir des femmes qui se touchaient. Je voulais montrer que c’était quelque chose de très intime, que l’on faisait pour soi. C’est la seule sexualité qui n’appartient qu’à nous et qu’on garde toute notre vie. C’est une sexualité nécessaire au bien-être qui peut parfois être très mécanique car il y a des femmes qui s’en servent comme soupape, pour dormir, quand elles ont mal à la tête. C’est donc aussi un livre sur le rapport à soi, la relation à son corps, le développement personnel.
Et c’est aussi un livre sur les techniques pour arriver à l’orgasme parce que beaucoup de questions m’ont été posées à ce sujet dans les témoignages et parce qu’on dit souvent que c’est dur de faire jouir une femme. Mais non, une femme qui se connaît peut se faire jouir en trente secondes une fois qu’elle a compris comment ça marche. Jouir n’est pas plus compliqué pour une femme que pour un homme.

En quoi le fait de connaître son plaisir et d’assumer sa sexualité est-il pour une femme un instrument d’émancipation et de pouvoir ?

C’est un outil d’empowerment parce que nous nous réapproprions ce qui a été utilisé comme une arme contre nous pour faire l’inverse. Quand on parle d’égalité homme femme, on parle d’égalité entre les sexes. Et l’égalité entre les sexes devient évidente quand on comprend que le clitoris est l’homologue du pénis, parce qu’un clitoris est érogène, parce qu’un clitoris est en érection, comme un pénis. Ça enlève l’idée qu’une femme est dans la passivité, qu’une femme n’a pas de désir sexuel, qu’il est difficile de faire jouir une femme… Remettre le sexe sur un pied d’égalité permet aux jeunes hommes et aux jeunes femmes de se construire en intégrant le fait que nos sexes fonctionnent de la même manière. Cette prise de conscience a des répercussions symboliques, des répercussions dans la culture du viol, dans l’éducation sexuelle, puisqu’il n’y a plus de sexe fort et de sexe faible.

Tu es également à l’origine du projet « it’s not a bretzel » qui a recouvert les murs gris des villes de clitoris aux couleurs pop. Quelles réactions as-tu rencontrées ?

Cette campagne s’est faite au dernier moment parce qu’en faisant le livre, en recueillant tous les témoignages, je me suis vraiment rendu compte qu’il y avait un analphabétisme sexuel incroyable. En lisant les témoignages de femmes de l’âge de ma mère ou de ma grand-mère qui me remerciaient, j’ai réalisé à quel point c’était fou. Les jeunes sont au début de leur sexualité, nous on est au milieu mais on va s’en remettre, mais elles, les femmes de ces générations, on leur a menti toutes leurs vies et elles sont en colère. J’ai donc voulu aller plus loin, j’ai eu envie que tout le monde, les hommes et les femmes, à Paris et en province, ait la possibilité de s’interroger là-dessus. Souvent quand tu demandes aux gens s’ils connaissent le clitoris, ils ne se sentent pas concernés parce qu’ils pensent savoir. Mon idée était donc de le représenter en écrivant que ça n’était pas un bretzel, que ça n’était pas un fantôme, que ça n’était pas un émoji… pour que les gens se rendent compte qu’ils ne savent pas ce que c’est. Et, quand on leur dit que c’est un clitoris, ils reconnaissent qu’ils connaissaient le mot mais étaient incapables de le représenter. L’objectif est donc juste de générer une prise de conscience : c’est ça un clitoris. Et après on peut en profiter pour détricoter la pelote de laine, pour ouvrir la porte de la déconstruction, pour dire qu’il y a beaucoup de gens qui pensent savoir mais ne savent pas. L’idée était de faire une campagne assez pop, grand public, pour attirer les gens qui ne vont pas forcément aller dans une librairie, sur un blog ou sur un compte Instagram féministe, et de le faire de manière gentille parce qu’on n’est pas les uns contre les autres.

Vous pouvez suivre Julia Pietri sur sa page Instagram : Le Gang du Clito.

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