(0)
  • Aucun produit dans le panier.
Total:0,00

Les confidences de la journaliste et autrice Camille Emmanuelle

« L’ESPACE DE LA NUIT EST UN ESPACE OÙ ON DEPOSE SON MASQUE SOCIAL, UN ESPACE DE LIBERTÉ OÙ PARFOIS ON SE RÉVÈLE VRAIMENT TEL QUE L’ON EST. »

25 janvier 2019

camille emmanuelle

(Crédit : Camille Emmanuelle)

On a rencontré la journaliste et auteure Camille Emmanuelle. On avait été conquises par son essai Sexpowerment (éd. Anne Carrière) et on a eu envie de parler avec elle de féminisme, de plaisir, de maintien du désir dans le couple ou encore de la façon dont on aimerait aborder la sexualité avec nos enfants. Camille s’est prêtée avec finesse, intelligence, humour et générosité au jeu de questions réponses de Numéro Une. Elle nous a parlé de son travail, de ses interrogations, de ses motivations, des personnalités qui l’inspirent et aussi de la formidable liberté que lui ont apporté le journalisme et le milieu de la nuit. Un moment plus qu’inspirant que nous sommes heureuses de partager avec vous.

Camille, tu es journaliste et auteure, et tu t’es spécialisée dans les questions liées aux sexualités et aux féminismes. Peux-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai fait une prépa littéraire et Sciences Po Grenoble. Puis je suis partie au Canada où j’ai approché les gender studies. En revenant en France, j’ai emménagé à Paris où j’ai travaillé dans l’édition et dans la communication. J’avais été pigiste pendant mes études et je m’étais toujours dit que je reviendrais au journalisme par une petite fenêtre, et cette petite fenêtre a été le sexe qui est en fait une baie vitrée ! Car c’est un sujet passionnant et très large. J’ai commencé en parlant de la culture érotique, que j’avais définie comme toute création culturelle ou tout personnage lié au sexe. Il pouvait s’agir de l’interview d’un vieil acteur porno qui avait participé à la révolution sexuelle pornographique dans les années 70, d’une exposition au Musée de l’Érotisme, de l’interview d’un flic de la Mondaine… Tous ces sujets m’intéressaient car je trouvais que le sexe était souvent mal traité dans la presse féminine, avec des conseils sexo à la con. J’avais besoin de réponses et je suis allée les chercher dans la littérature, l’art, la vie de personnages de nuit. Cela m’a aussi permis d’explorer les contre cultures sexuelles, de mettre en lumière des gens vivant des sexualités hors norme, non pas parce que j’avais moi-même une sexualité hors norme mais parce que je ne me reconnaissais pas dans la vision normée mainstream de la sexualité d’un point de vue personnel et intellectuel.
J’ai ensuite commencé à parler de sujets plus sociétaux, parce qu’à partir du moment où on parle de sexe, on parle de société, de politique, de pouvoir, et à écrire pour des médias en ligne comme L’Obs et Brain Magazine. J’ai par exemple infiltré La Manif pour Tous pendant leur université d’été, je suis allée faire des reportages sur des soirées BDSM en Europe, pour parler de fantasmes, de consentement, de rapports de genres. J’ai découvert qu’il y avait une espèce de nouvelle révolution sexuelle, depuis 2010, avec plein de femmes et d’hommes faisant bouger les choses, aussi bien dans le milieu du sex toy que dans des ateliers, des sites internet, des spectacles parlant de sexualités.
Et, à partir de mon travail sur tous ces sujets, j’ai fini par écrire des livres. Aujourd’hui je travaille aussi pour d’autres médias. C’est notamment la deuxième saison que je suis journaliste pour « Crac Crac », l’émission de Monsieur Poulpe sur Canal Plus.

crac crac avec Camille Emmanuelle

Emission « Cac Crac »

Dans Sexpowerment, tu parles de plaisir féminin et notamment du mythe de l’orgasme vaginal. As-tu l’impression que le fait que l’on parle davantage de ces sujets facilite l’expression du désir féminin ?

Je découvre en ce moment, en me plongeant dans la littérature sexologique des années 70 et 80 pour un projet personnel, qu’on parlait déjà de ça à l’époque dans des livres qui se vendaient à des milliers d’exemplaires. Il y avait, aux États-Unis notamment, de véritables recherches expliquant que 95% des femmes jouissent pendant la masturbation et ne sont pas anormales si elles ne jouissent pas quand il y a un mouvement de piston de pénis dans un vagin. J’aurais tellement aimé lire ces bouquins quand j’avais 16 ans ! Ce que la société dit sur le plaisir féminin conditionne toute une vision de notre sexualité, de notre corps, de notre féminité, de notre puissance ou de notre impuissance féminine. Mais on est complètement passé à côté de ça dans les années 90 et jusque récemment puisqu’en 2012 on pouvait encore lire dans la presse féminine que, pour atteindre le véritable orgasme vaginal, il fallait aller dans le lâcher prise, qu’un jour ça arriverait… enfin toutes les conneries qu’on a pu nous asséner là-dessus et qui font qu’on se sent anormale parce qu’on ne jouit pas de façon vaginale, qu’on ressent de la frustration, de la colère. Alors qu’à l’inverse, quand on prend en main sa sexualité, quand on intègre le fait qu’il n’y a pas de plaisir clitoridien et de plaisir vaginal mais que tout vient du clitoris même s’il peut y avoir une stimulation interne, que l’on va expliquer à l’autre qu’on a besoin d’une stimulation clitoridienne pour jouir, on devient puissante sexuellement et ça change complètement la vie. Ça change aussi le rapport à l’homme car on est moins dans un rôle de passivité à attendre que l’autre nous fasse jouir.
Hier soir, j’ai regardé le premier épisode de la nouvelle série de Netflix, Sex Education, qui est censée être une série comique et moderne sur le sexe, et je me suis dit qu’on nous montrait encore un mec qui baise en missionnaire une meuf, qui est censée jouir au bout de 5 minutes… Bon, c’est assez « marrant » parce que pour une fois c’est le mec qui ne jouit pas, mais on est encore dans un truc de sexe = pénis dans vagin. Alors c’est super le coït, je trouve ça vraiment cool, mais ce serait intéressant de redéfinir la sexualité, de sortir du scénario préliminaires-pénétration-orgasme masculin-dodo.

Quelle est ta définition à toi du féminisme ?

J’ai été élevée dans un environnement globalement féministe, entourée de figures de femmes assez fortes et autonomes. Et quand j’avais 16 ans, pour moi l’icône féministe qui me faisait rêver, c’était Madonna, même si elle ne se définissait pas ainsi. Je ne me reconnaissais pas dans ce que la société française définissait à l’époque comme féministe. Par exemple, en 1995, LA féministe, c’était Isabelle Alonzo dans l’émission de Ruquier. J’ai essayé de me rapprocher d’associations féministes traditionnelles, ça a foiré. Je me souviens par exemple être allée à une réunion d’Osez le féminisme dans laquelle je me suis engueulée avec tout le monde au bout d’une heure parce qu’elles étaient abolitionnistes en ce qui concerne la prostitution et que je m’interrogeais sur la question.
Par la suite, je me suis fait mon féminisme. J’ai fait mes classes en termes de littérature, d’essais, de philosophie. Et j’ai découvert le féminisme sexe positif venant des États-Unis, un féminisme qui s’intéresse au travail du sexe, à la pornographie alternative, qui considère que le sexe n’est pas qu’un terrain de danger pour les femmes mais peut aussi être un terrain d’émancipation.
Quand j’ai écrit Sexpowerment il y a 4 ans j’étais très enthousiaste car il y avait beaucoup plus de choix, de personnalités et de discours qu’il y a vingt ans, mais aujourd’hui je suis un peu plus mesurée. On ne vit bien sûr pas la même chose en tant que femme si on est hétéro ou lesbienne, si on est valide ou handicapée, si on est une femme blanche née dans le quinzième ou une femme d’origine maghrébine du 93… Mais ce serait bien que l’on s’interroge sur nos points communs, pour pouvoir défendre des droits qui sont remis en cause comme l’accès à la contraception et à l’avortement, et pour poursuivre les combats des premières vagues de féministes. Et là je fais mon autocritique : c’est très bien de parler d’orgasme, de sexualité, de plaisir, mais rien ne se passe quand il n’y a pas d’autonomie financière. Et je ne parle pas de différences de salaires mais vraiment d’autonomie, du fait de pouvoir payer son propre loyer, ce qui devient compliqué en période de crise. Il y a pas mal de femmes qui sont totalement dépendantes de leurs compagnons, et, dans ces cas-là, tu ne te poses pas la question de savoir si tu as un orgasme le samedi soir. Je pense donc qu’après la floraison très bénéfique des différentes pensées féministes, ce serait bien qu’on se dise que malgré nos différences d’opinions et de parcours, il y a des points sur lesquels il faut se réunir et continuer à lutter.

sex powerment - Camille Emmanuelle

Livre Sexpowerment de Camille Emmanuelle (éditions Anne Carrière, 2016)

Dans ton essai, tu parles également du maintien du désir dans le couple. Quelles sont pour toi les pistes à suivre, les questions à se poser, pour que l’érotisme subsiste malgré les années ?

En étant un peu caricaturale, je trouve que si, entre 16 et 30 ans, c’est la question du plaisir qui est assez centrale quand on est une femme, c’est ensuite la question du désir qui devient très importante. Et ce sont deux choses différentes : ce n’est pas parce qu’on a accès au plaisir, qu’on connait son corps, qu’on est bien avec son compagnon, qu’on exprime ses désirs, qu’on va avoir toute sa vie une sexualité merveilleuse. Non, pas du tout. Il y a la question du couple, de la vie familiale dans l’option où des enfants arrivent, ce qui va changer pas mal de choses. Je pense qu’il est important de rester curieux, de continuer à explorer la culture érotique, à lire, à regarder des choses qui parlent de sexe et de désir, mais aussi de s’interroger sur ce qui parle du couple et de l’amour.
Je lis actuellement pas mal de choses sur le polyamour et, même si je ne pense pas que cela corresponde à mon type de vie, je trouve fascinant que des gens expérimentent d’autres façons d’être en couple. On est dans une société qui valorise le romantisme car aujourd’hui on peut choisir. Avant on ne choisissait pas, il y avait beaucoup de mariages arrangés, on faisait des efforts pour les enfants et on vivait parfois des aventures sexuelles en dehors du couple. Aujourd’hui c’est différent, on est libres, on peut choisir, et la fidélité est encore plus sacralisée. Pourtant, l’infidélité est extrêmement courante comme le constate la psychologue Esther Perel dans son livre Je t’aime, je te trompe. Cela est notamment lié au fait que l’on vit plus vieux et que les couples sont susceptibles de durer très longtemps. Personnellement, j’ai justement envie de rester, amoureuse, avec mon mari, les 50 prochaines années. Mais, pour faire en sorte que cela dure, je pense qu’il est important que nous ayons régulièrement des conversations sur la définition de la trahison ou de la fidélité. Je trouve horrible l’expression « mettre des coups de canif dans le contrat » de mariage, mais je pense par contre que l’on peut y ajouter des notes de bas de page, en ouvrant régulièrement la discussion, sans se mettre d’œillères.
Il faut aussi apprendre à ne pas se mettre la pression. On considère trop aujourd’hui qu’une sexualité épanouie doit forcément être quantitative. On jauge notre vie sexuelle à l’aune de critères de performance. Or, la sexualité vient de l’eros, de la pulsion de vie, de la libido, et la libido n’est pas toujours portée sur le sexe. Quand on a un nourrisson, la pulsion de vie, l’attention, le cerveau, le corps, tout est connecté en priorité sur sa survie à lui. Quand on a un nouveau job, quand on vit un deuil, on a besoin de mettre cette pulsion de vie, voire même de survie, ailleurs. Parfois l’érotisme fait partie de la façon dont on a pu survivre, mais parfois c’est un transfert, et il faut l’accepter. Il faut pouvoir expliquer à l’autre que pendant une période donnée on aura besoin de se concentrer sur telle chose et que l’on sera donc moins dans la recherche de plaisir, même si le désir sera toujours là.

Esther Perel - Interview de Camille Emmanuelle

Livre The State of Affairs : Rethinking Infidelity de Esther Perel

Tu es devenue maman en 2015, ta fille est encore petite mais as-tu déjà réfléchi à la façon dont tu aborderas avec elle les questions de sexualité, à ce que tu auras envie de lui transmettre ?

La porte sera toujours ouverte pour parler de sexualité et, de fait, elle sera dans un environnement où il y aura des choses. J’ai déjà commencé à réorganiser ma bibliothèque pour faire en sorte qu’elle ait accès à Tchoupi et non pas à mon superbe Kamasutra lesbien illustré ! Mais ces livres seront là quand elle sera ado. Elle pourra, si elle le souhaite, lire Anaïs Nin, des BD, des livres d’art érotiques… Mais je me dis aussi que je ferai attention à ne pas être intrusive car, surtout quand on est ado, on n’a pas du tout envie de parler de sexualité avec ses parents.
Pour le moment, je me pose des questions de vocabulaire. Par exemple, je ne dis pas à ma fille que les garçons ont un zizi et pas les filles, mais que les garçons ont un zizi et les filles une zézette. Bon, c’est le mot qu’on a choisi, c’est pas ouf mais c’est ainsi. Je lui fais donc comprendre qu’elle a vraiment quelque chose entre les jambes, qu’elle n’a pas un truc en moins. Je lui dis aussi « quand tu auras un amoureux ou une amoureuse », pour que, dès toute petite fille, elle comprenne que peu importe ce qu’elle est, ce qu’elle sera, ce qu’elle deviendra amoureusement et sexuellement, ce sera ok pour nous. Mais je ne veux pas non plus surpolitiser son éducation, je ne suis pas du tout dans l’éducation gender neutral : ma fille peut jouer à la poupée, mettre une jupe rose et des barrettes, comme mettre un vieux jean dégueu et jouer au foot, elle fait ce qu’elle veut en fait !

Anais Nin- Interview de Camille Emmanuelle

Livre Little Birds d’Anaïs Nin

Est-ce qu’il y a des livres qui t’ont particulièrement marquée en tant que femme ?

J’ai lu dernièrement Écoute la ville tomber de l’auteure anglaise Kate Tempest. Son livre se passe dans le milieu de la nuit, parle de contre cultures, de rapports à la drogue, à la famille, à l’autre. C’est un texte formidable d’une jeune auteure très puissante qui est aussi poète et rappeuse.
Je pense également à une autre auteure, beaucoup plus connue en France, mais qui reste pour moi une grande référence : Virginie Despentes. Son essai King Kong Théorie m’a énormément marquée. C’est notamment grâce à elle que j’ai découvert le mouvement féministe sexe positif. Et je suis également fan de son roman choral Vernon Subutex car il y a une diversité de personnages qui se croisent et s’entrecroisent et que cela fait partie des types d’écriture qui me fascinent.
Et, enfin, j’aime beaucoup l’auteur pornographe Esparbec. C’est très hard, ça peut être choquant, mais c’est extrêmement bien écrit. Il a une façon de décrire le sexe, en nous mettant dans une position de voyeur, de voyeuse, qui est absolument unique. Je l’ai découvert en arrivant à Paris, au rayon littérature érotique d’une librairie classique, j’ai choisi un de ses romans qui s’appelle La jument parce que la couverture m’avait plu. Je l’ai acheté en rougissant, je l’ai lu en rougissant, mais après je ne rougissais plus : j’ai réalisé que c’était une vraie liberté contemporaine d’être une femme et d’avoir accès à ce type de littérature sans passer pour une perverse, une pervertie, sans être enfermée au couvent ! Oui, c’est une vraie liberté d’avoir accès à ce type de fantasmes, à des textes où on parle de femmes qui sont des sujets sexuels et pas uniquement des objets sexuels, qui ne sont pas de jeunes oies blanches, auxquelles on ne s’identifie pas forcément, mais c’est bien aussi d’avoir des contre héroïnes dans la littérature érotique et pornographique. Et, aujourd’hui, si tu vas au rayon érotique d’une librairie classique, il n’y a que de la romance érotique façon 50 nuances de Grey… Et j’en ai écrit, j’en ai même écrit 12 en un an. Ensuite j’ai écrit un pamphlet qui s’appelle Lettre à celle qui lit mes romances érotiques et qui devrait arrêter tout de suite, où je raconte les coulisses de cette production de fantasmes à la con. L’une des choses qui m’a motivée à écrire ce pamphlet était de me dire que j’avais eu la chance, à 20 ans, d’avoir accès à une littérature porno trash mais de qualité, bien plus subversive certes mais bien plus intéressante que la romance érotique écrite à la chaîne.

écoute ville tomber - Interview de Camille Emmanuelle

Livre Écoute la ville tomber de Kate Tempest.

Quelles sont les personnalités qui t’inspirent ?

Une personne comme Jill Soloway, pour moi, c’est Shakespeare au féminin car elle arrive à créer des mondes, des tragédies, des comédies, avec des personnages incroyables et complexes. Elle a notamment produit la série Transparent et la mini-série I Love Dick. C’est une féministe lesbienne ultra talentueuse et ce qu’elle produit est sensible, drôle, puissant. Elle arrive à intégrer un discours politique à un objet plutôt pop et mainstream qui est la série, sans édulcorer son discours mais sans faire non plus de l’objet culturel un truc idéologique et chiant.
Sinon je suis une grande fan de Louis C. K., malgré la polémique actuelle, et aussi de Ricky Gervais. Ce n’est pas de l’humour gratuit, ce sont des gens qui parlent de rapports intimes, de rapports à soi, de rapports au monde. Avec mon partenaire, on pleure de rire en les écoutant et ça fait du bien de pleurer de rire. D’ailleurs, on parlait tout à l’heure de comment maintenir le désir dans le couple mais je trouve qu’il est aussi très important de savoir maintenir l’humour. C’est tellement important de pouvoir rire de soi, rire avec l’autre, rire de l’autre et rire ensemble face à des productions humoristiques.
J’aime aussi beaucoup me plonger dans l’histoire et découvrir des personnalités féminines qu’on a oubliées. Par exemple, en lisant récemment une biographie de Wilhelm Reich, un disciple de Freud qui a beaucoup travaillé sur la sexualité, j’ai noté des noms de femmes : une femme qui a développé l’ancêtre du planning familial entre les deux guerres à Vienne, une autre qui a écrit des théories anti-freudiennes sur la sexualité féminine… des personnages dits secondaires mais qui ne sont pas du tout secondaires. Je note tous ces noms, je me dis qu’un jour j’aimerais avoir le temps de mettre en lumière, d’une façon ou d’une autre, ces figures de femmes scandaleuses qui ont fait avancer les choses.

Jill-Soloway - interview de Camille Emmanuelle

Photo de Jill Soloway

Quelle serait ta nuit de rêve ?

J’ai passé beaucoup de nuits de rêve à Pigalle, qui a été un lieu d’inspiration et d’exploration. J’y avais mes repères, j’y ai réalisé beaucoup d’interviews, rencontré des personnages fascinants et fantasques. La nuit et le journalisme, et le journalisme de nuit, m’ont permis de rentrer dans des univers auxquels je n’aurais jamais eu accès dans ma vie personnelle, de vivre des moments de reportage où je me suis dit que je pouvais vivre plusieurs vies en une grâce au journalisme, mais aussi grâce à la nuit.
Et, pour moi, il faut être honnête, la nuit est aussi liée à l’alcool. A partir du moment où je commence à aller en terrasse, à rejoindre des amis à Paris, à fumer des clopes et à picoler, je ne veux pas aller me coucher, je suis comme un enfant qui veut que la nuit dure le plus longtemps possible. Et, même si ça ne me réussit pas toujours le lendemain, j’aime toujours ces moments parce que je trouve qu’il se passe quelque chose. Je compare la nuit au terrain sexuel parce que c’est un espace qui est un peu un carnaval : le fou devient roi, le roi devient fou, l’espace de la nuit est un espace où on dépose son masque social, un espace de liberté où parfois on se révèle vraiment tel que l’on est. C’est un espace où on peut jouer différents rôles et c’est un peu pareil dans le sexe quand le sexe est réussi, car on peut être plein de choses, on peut être femme, homme, domina, soumise, active, passive.

Quelle est ta couleur préférée ?

Le rouge, parce que j’aime la couleur que je laisse sur le bord des verres et des tasses à café, parce que j’aime les femmes qui laissent des traces et qui ne sont pas dans la discrétion. 

Vous aimerez sûrement