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Just Kids

Un texte sublime, l’ascension de deux artistes aux émotions exacerbées, le tableau d’une époque rock et électrique. #Le Classique Bleu Électrique

26 avril 2019

Just kIDS

« L’été de la mort de Coltrane », l’été où « à Monterey, Jimi Hendrix mettait le feu à sa guitare », l’été des émeutes à Newark, « l’été de l’amour », Patti Smith et Robert Mapplethorpe ont 20 ans et ils se rencontrent à Brooklyn. Cette rencontre va changer leurs vies, la créativité de l’un va nourrir celle de l’autre, inlassablement. Le couple intègre une communauté d’artistes au Chelsea Hotel, fréquente la cour d’Andy Warhol, croise Janis Joplin et Lou Reed. Dans Just Kids, Patti Smith dépeint avec poésie le New York des années 1960-1970, tout en écrivant le mausolée de son amour avec Robert. Un texte sublime, l’ascension de deux artistes aux émotions exacerbées, le tableau d’une époque rock et électrique. La petite histoire rencontre la grande histoire, comme dans cet extrait où se mêlent les premiers pas de l’homme sur la lune, l’assassinat de Sharon Tate, les sentiments de Patti et Robert, la présence de Janis Joplin et Jimi Hendrix au El Quixote…

(Crédit : Couverture du livre Just Kids – By Madeline Bocaro )

Cependant, une vibration se faisait sentir, une impression d’accélération. Ça avait commencé avec la lune, ce poème inaccessible. Maintenant, des hommes avaient marché dessus, il y avait des traces de caoutchouc sur la perle des dieux. Peut-être était-ce la conscience soudaine du temps qui passe, le dernier été de la décennie. Parfois j’avais envie de dire pouce et d’arrêter tout ça. Mais arrêter quoi ? Arrêter de grandir, tout simplement, peut-être.
La lune était sur la couverture du magazine Life, mais sur la couverture de tous les quotidiens c’était le brutal assassinat de Sharon Tate et de ses compagnons qui s’étalait. Les meurtres de Manson ne cadraient pas du tout avec ma vision du meurtre empruntée aux films noirs, mais c’était le genre de nouvelle à enflammer l’imagination des habitants de l’hôtel. Pratiquement tout le monde était obsédé par Charles Manson. Au début, Robert a passé en revue le moindre détail de l’affaire avec Harry et Peggy, en revanche je ne supportais pas d’en parler. Les derniers instants de Sharon Tate me hantaient, j’imaginais son horreur quand elle avait su qu’ils s’apprêtaient à massacrer son enfant à naître. Je me suis réfugiée dans les poèmes que je gribouillais dans un cahier orange. En matière de tragédie, l’image de Brian Jones flottant sur le ventre dans une piscine était suffisamment insoutenable pour moi.
Robert éprouvait une fascination pour le comportement humain, pour ce qui conduisait des individus à première vue normaux à semer le chaos. Il a continué à se tenir informé de l’évolution de l’affaire Manson, mais sa curiosité s’est estompée à mesure que le comportement de Manson est devenu de plus en plus bizarre. Lorsque Matthew lui a montré une photo de Manson avec un X gravé sur le front dans le journal, Robert a piqué l’idée et a réutilisé le symbole dans un dessin.
« Le X m’intéresse, mais Manson non, a-t-il dit à Matthew. C’est un malade mental. La folie ne m’intéresse pas. »
Une semaine ou deux plus tard, j’ai fait un saut au El Quixote en quête de Harry et Peggy. C’était un bar-restaurant adjacent à l’hôtel, relié au vestibule par une porte spéciale, ce qui nous donnait l’impression que c’était notre bar, comme c’était le cas depuis des décennies. Dylan Thomas, Terry Southern, Eugene O’Neill et Thomas Wolfe faisaient partie des clients qui y avaient levé un verre de trop.
Je portais une longue robe bleu marine à pois blancs et un chapeau de paille : ma tenue À l’Est d’Eden. A la table à ma gauche, Janis Joplin papotait avec son groupe. A l’extrême droite, Grace Slick et le Jefferson Airplane, avec des membres de Country Joe and the Fish. A la dernière table face à la porte, Jimi Hendrix mangeait, tête baissée, chapeau sur la tête, en face d’une blonde. Il y avait des musiciens partout, devant des tables couvertes de petits monticules de crevettes en sauce verte, de paella, de pichets de sangria et de bouteilles de tequila.
J’en suis restée stupéfaite, mais je n’ai pas eu l’impression d’être une intruse. Le Chelsea était mon chez-moi, le El Quixote mon bar. Il n’y avait pas de physionomiste, pas d’élitisme envahissant. Ils étaient là pour le festival de Woodstock, mais l’oubli qui régnait dans l’hôtel m’avait tellement gagnée que je n’étais pas au court de sa tenue ou consciente de sa signification.

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